Au cinéma le 13 mars 2013
Avec : Tom Hanks, Halle Berry, Hugo Weaving, Jim Sturgess, Susan Sarandon et Hugh Grant.
Synopsis :
À travers une histoire qui se déroule sur cinq siècles dans plusieurs espaces temps, des êtres se croisent et se retrouvent d’une vie à l’autre, naissant et renaissant successivement… Tandis que leurs décisions ont des conséquences sur leur parcours, dans le passé, le présent et l’avenir lointain, un tueur devient un héros et un seul acte de générosité suffit à entraîner des répercussions pendant plusieurs siècles et à provoquer une révolution. Tout, absolument tout, est lié.
L'avis de Block :
La dernière livraison d'Andy et Lana Wachowski réunit, sur le papier, tous les ingrédients pour attiser la curiosité : d'abord parce qu'un nouveau film des auteurs de Matrix constitue toujours un petit évènement – surtout lorsqu'il est issu d'une nouvelle collaboration avec Tom Tykwer ; ensuite parce qu'il offre une histoire originale, portée par un casting plutôt alléchant et, enfin, parce qu'avec un budget de blockbuster de plus de 100 millions de dollars, le film a été, lors de sa sortie en salle aux Etats-Unis, un (relatif) échec commercial. Le dossier de presse promet pompeusement une « épopée ambitieuse »... et c'est effectivement le premier épithète qui s'impose dès la très belle scène d'introduction qui nous plonge immédiatement dans une sorte de récit choral, éclaté dans l'espace mais aussi et surtout – c'est toute l'originalité du film – dans le temps.
Le résultat est-il à la hauteur de l’ambition affichée ? Réponse de Normand : oui et non.
Cette adaptation du roman de David Mitchell est l'occasion pour Andy et Lana Wachowski de développer leurs thèmes de prédilection – le totalitarisme, l'avidité (auto)destructrice de l'homme, la trahison, le pouvoir de l’amour, l'émancipation dans l'oppression – et de proposer une fresque fantasmée de l'Humanité. Le film n’est donc pas dépourvu de fond. Mais il se prend les pieds dans le tapis de la naïveté lorsqu'il assène son message ésotérique New Age made in Hollywood, façon « The Fountain », qui aurait éventuellement pu rester digeste si le propos n'était pas appuyé de façon aussi laborieuse. Cette faute de goût est d'autant plus troublante que, contrairement à d'autres « épopées ambitieuses » (oui, c'est toi que je vise Le Seigneur des Anneaux), Cloud Atlas sait faire preuve de recul et d'une auto-dérision subtile. Je pense notamment au travestissement des acteurs, qui est une surprise d'autant plus agréable qu'elle n'est jamais gratuite. Mais ceux qui attendront du film qu'il suscite la réflexion existentielle qu'il prétend proposer, resteront probablement sur leur faim.
En revanche, ceux qui appréhenderont Cloud Atlas comme le pur produit de divertissement qu'il est, vivront un excellent moment de cinéma. La réalisation, assez discrète, est soutenue par une photographie splendide, une musique aérienne et entêtante et, surtout, un montage fluide, parfaitement rythmé et extrêmement habile des différentes intrigues : par l’incroyable degré d'attention porté aux détails, chaque séquence trouve une résonance dans la suivante et confère au récit une densité et une intensité croissantes. Le film nous transporte, de façon imprévisible, dans un tourbillon d’époques, de références et de genres cinématographiques : Cloud Atlas est, tour-à-tour, un film d’aventure, une love-story intimiste, un thriller journalistique, une comédie « à la frères Cohen », un action-movie de science-fiction, un survival post-apocalyptique.
On pourra donc reprocher à l'oeuvre d'être parfois maladroite, un peu en toc, presque roublarde, boursouflée par un excès de générosité dans le propos. Mais ce sont précisément ses défauts qui la rendent touchante : car ce film est avant tout celui de réalisateurs passionnés qui croient encore en la possibilité de proposer un autre cinéma. Il aurait mérité, de ce point de vue, bien plus que l'accueil timide qui lui a été réservé outre-Atlantique.
Bref, Cloud Atlas est un film à voir. A laisser reposer. Et à revoir. Et puis, quel autre film vous propose de suivre, successivement, une course poursuite dans un Séoul futuriste, une baston burlesque dans un pub Ecossais, un Hugh Grant grimé en guerrier cannibale sanguinaire, un Hugo Weaving en infirmière tyrannique d'une maison de retraite et un moment de grâce dans un magasin de porcelaine ?