A propos de No de Pablo Larraín
Gael Garcia Bernal
Sans conteste, l’un des meilleurs films et des plus attendus de la semaine, No du jeune réalisateur chilien Pablo Larrain revient sur la vie de René Saavedra (Gael Garcia Bernal), génial publicitaire chilien qui, à la fin des années 1980, créa une campagne révolutionnaire basée sur l’alegria, la joie en espagnol, un argument pour le moins désarçonnant mais qui s’avéra efficace pour voter en masse contre la réélection de Pinochet (1915-2006) et faire chuter le dictateur au référendum de 1988.
Troisième volet d’une trilogie consacrée à la dictature d’Augusto Pinochet, après Tony Manero et Santiago 73, Post Mortem, No s’inspire de faits réels mais aussi plus librement de la pièce, jamais publiée, Référendum de l’écrivain chilien exilé Antonio Skármeta. Le père de Pablo Larraín, ancien opposant de Pinochet, est un sénateur et une figure importante de la droite chilienne tandis que sa mère est une ancienne ministre, ce qui lui a sans doute laissé des prédispositions…
Utilisant les quinze minutes de spots télévisuels quotidiens accordées à l’opposition démocratique, le jeune et brillant publicitaire René Saavedra, choisi par l’opposition pour créer une campagne en faveur du Non au référendum de 1988, va s’employer à convaincre les 76 % d’abstentionnistes de prendre part au débat politique.
Tourné avec quatre caméras des années 1980, ce qui confère à l’image un grain « sale » et épais, No retrace, un peu à la manière d’un thriller, le suspense autour de cette campagne tendue pour la victoire du Non au référendum de 1988, qui marquera un tournant historique pour le Chili. Entre courage politique et peur pour ses proches, intimidations et audace du jeune publicitaire (au départ peu investi, il devient un farouche opposant à Pinochet), violences verbales et attaques physiques infligées par les sbires de Pinochet (pourtant très surveillé alors par l’opinion internationale) aux opposants au Oui, No est un film haletant et passionnant. On suit ainsi le parcours professionnel comme la vie intime de celui qui, à lui seul, et par le seul biais d’une campagne publicitaire, parvint à faire chuter une dictature.
Très étayé, No tient sa réussite de son mélange précis, son alchimie réussie entre documentaire (spots publicitaires, jingles repris de l’époque) et fiction.
Foisonnant, tourné dans un format carré qui constitue une autre de ses originalités, No est joué par un extraordinaire Garcia Bernal (Carnets de voyage, 2004), de tous les plans. L’acteur mexicain (né en 1978) est un acteur comme un personnage fascinants pour celui qui a eu la chance de le croiser, lors de l’avant-première du film, en février dernier à Paris.
Désopilant dans ses choix (on ne sait jamais où l’attendre) d’acteur, le comédien et producteur (Babel) choisit souvent des personnages très « politiques », des leaders charismatiques qui portent en eux un militantisme teinté de pacifisme. On se souvient par exemple de son rôle dans l’excellent Même la pluie d’Icíar Bollaín. Mais le plus étonnant tient dans cette contradiction que Garcia Bernal peut-être à la fois cet acteur adulé (n’est-ce pas, mesdames ?), populaire et courtisé dans le monde entier comme un acteur qui choisit ses personnages avec une exigence rare, aussi rare finalement que ses apparitions au cinéma.
No ne laisse aucun doute quant à l’enthousiasme qu’il suscite. Il faut aller voir le film tant c’est une « fiction-documentaire » prolifique et riche en enseignements sur l’Histoire récente et tragique du Chili. Un Chili qui put un jour décider de son sort. Enfin. Mais il y a à peine 25 ans…
http://www.youtube.com/watch?v=BviNE0C_TuI
Film chilien, américain de Pablo Larraín avec Gael García Bernal, Antonia Zegers… (01 h 57)
Scénario de Pedro Peirano, Eliseo Altunaga d’après le livre d’Antonio Skarmeta :
Mise en scène :
Acteurs :
Dialogues :