Un constat sombre
La filière automobile est en crise en Europe et en particulier en France. Les véhicules diesel sont dans le collimateur des pouvoirs publics. Les véhicules électriques peinent encore à s'imposer.Les perspectives de croissance sont limitées en Europe, l'export de voitures à l'autre bout du monde est si coûteux qu'il est plus rationnel de produire sur place, et la concurrence des constructeurs des pays en développement (Inde et Chine) se renforce en permanence.
Est-ce la fin de l'automobile française ? Peut-être pas, mais elle est sérieusement menacée. Le low-cost n'est pas une option viable, car des pays moins avancés sont mieux placés sur ce terrain.
La concentration du secteur, c'est-à-dire la fusion progressive des grands constructeurs occidentaux (au-delà d'une utopique fusion Renault-PSA), peut certainement restaurer des bénéfices par des mises en commun de ressources, mais au prix de licenciements importants. D'ailleurs, dans un marché saturé, tous les gains de productivité se traduisent avant tout par un besoin moindre de main d’œuvre.
Quelques idées pour changer l'automobile
Il serait prétentieux de prétendre détenir la solution. Mais je pense qu'il faut alimenter la réflexion, quitte à émettre des idées qui peuvent paraître saugrenues, voire parfaitement absurdes. Voici quelques éléments que je soumets à votre sagacité.Des changements de véhicule plus fréquents
Tout d'abord, une observation : le nombre d'automobiles en circulation en France ou en Europe ne peut plus fortement augmenter. On ne peut envisager sérieusement d'équiper les ménages avec 5 ou 6 voitures.Donc, si on veut augmenter la production de véhicules pour ce marché, il faut que les voitures soient plus fréquemment renouvelées.
Bien sûr, me direz-vous, c'est absurde : cela augmente fortement les dépenses des ménages pour leurs voitures, et en terme de consommation de matières premières ce n'est pas très écologique. Pourtant, c'est ce qui se passe dans la téléphonie mobile.
Des véhicules changés partiellement
Allons plus loin dans le raisonnement. Ce qu'on veut augmenter, c'est la main d’œuvre, mais pas le coût pour l'utilisateur ni l'utilisation de matières premières.Selon cet article, la part de la main d’œuvre (sous-traitants compris) dans le prix des automobiles est inférieur à 17%. On pourrait donc imaginer de doubler cette part (passer à 34%), sans toucher au prix de la voiture, si on diminue d'autres coûts et notamment la matière première.
Cela semble à première vue impossible, mais il suffit de raisonner au-delà de la durée de vie d'un véhicule actuel, disons sur 30 ans, et de faire abstraction des changements de propriétaire.
Sur une telle période, il faudra probablement produire deux à trois voitures en moyenne par conducteur. Disons deux pour fixer les idées. Cela veut dire qu'on emploie deux fois de la main d’œuvre.
Maintenant, supposons, comme plus haut, qu'on change tous les 5 ans de véhicule. C'est 6 fois que l'on fera appel aux ouvriers, mais le prix de la voiture est multiplié par 3 et la consommation de ressources également.
Enfin, supposons que l'on change non pas toute la voiture, mais seulement une partie. Pour simplifier, disons qu'on change 15% de la voiture tous les 3 ans, et qu'on rénove 10% du reste.
Cela revient à produire l'équivalent de une voiture et demi sur la même période, mais également de disposer d'une voiture quasi-renouvelée tous les 12 ans. Donc en terme de consommation de ressource, on passe de 2 à 1,5 (-25%), et en terme de main d’œuvre, on passe de 2 à 2,5 (+25%). Le miracle s'est produit : on a augmenté le besoin en ouvrier de 25% tout en baissant d'autant le besoin en matières premières.
Des véhicules modulaires
Ce qui est génial, c'est que la voiture est toujours équipée d'éléments récents : le moteur d'une voiture de 1998 n'est pas le même que celui d'une voiture de 2013, or ce moteur peut avoir été changé en priorité (pourquoi pas tous les 3 ans ?). La carrosserie n'est par contre pas à changer aussi souvent.Mais pour qu'un tel modèle fonctionne, il faut imaginer des véhicules modulaires, c'est-à-dire formés de composants indépendants, comme des briques de Lego, et surtout qui peuvent évoluer indépendamment : il doit être possible de remplacer un moteur de 2003 par un moteur de 2017 sans que la transmission ou le châssis soient modifié.
Rien n'empêchera ainsi de modifier ce que l'on souhaite lorsqu'on le souhaite : la carrosserie pourra être changée très fréquemment pour être à la mode, on pourra tester un moteur hybride pendant 3 ans avant de passer au moteur électrique à l'hydrogène, on pourra passer d'une boîte de vitesse manuelle à une boîte automatique. Et tout ça sans vraiment changer de voiture.
Panacher des composants
Enfin, on peut imaginer pouvoir acheter une carrosserie Porsche et la mettre sur une voiture essentiellement composée d'éléments Renault. Cela requiert de la standardisation, et donc une réglementation forte. Mais l'industrie en serait fortement bouleversée :- Les constructeurs se recentreraient sur leurs produits principaux : le moteur et l'assemblage ; ces deux activités pourraient d'ailleurs être séparées.
- Les sous-traitants vendraient directement au client et non au constructeur.
- Les voitures totalement neuves seraient bien moins fréquentes.
- Les spécialistes de la rénovation et du recyclage pourraient proposer de nouvelles offres.
- Et surtout, le service ferait au final l'essentiel du prix de la voiture, ce qui relocaliserait l'activité.