Daniel Darc est mort. Et je m'en fous. Je veux dire, il avait sûrement du talent, mais je suis passé à côté. Voilà pourquoi je n'en ai pas parlé, en réponse à deux internautes qui me posaient la question. Je préfère, quand c'est ainsi, laisser parler les autres, ceux qui l'aimaient, comme ceux qui l'adoraient. De même je n'ai pas suffisament réagi à la mort de Ferrat ou de Leprest. Mais je crois que c'est parce que la mort m'emmerde et que je veux avant tout parler des artistes encore en vie, pleinement en vie. Qui font des choses. Avec ou sans concessions, mais qui sont là. Ü, ou Travis Bürki, si vous voulez, fait parti de ce monde artistique foisonnant, vivant, francophone. A la fois lucide et rêveur, audacieux, décalé, artiste jusqu'au bout des...euh...ben jusqu'au bout, quoi. Comme le montre notre entretien ci-dessous...aux novices, j'invite à le découvrir, aux fidèles et bien ...à le découvrir, aussi, car il est énigmatique et finalement donne le sentiment que plus on en sait sur lui, moins on en sait. Et c'est peut-être pas plus mal...
Travis Burki - Ton potentiel
Bonjour l’artiste : comment faut-il vous appeler, Ü ou Travis Bürki ? Pourquoi Travis ? Pourquoi Ü ?
Appelez moi comme vous voulez. Je suis sujet à des changements de noms. En 1994 alors que j'effectuais mon service (obligatoire à cette époque) en temps qu'objecteur de conscience, la radio pour laquelle je travaillais m'annonce qu'un soldat en service ne peut pas s'exprimer sur les ondes sous son identité. En 1994, je m'appeleais déjà Ü mais mon nom d'état civil était et est toujours Patrice Bürki.
La direction de la radio de me demande de trouver un pseudo. Je choisi Travis en regardant le début de Taxi Driver de Scorcese. Depuis, j'ai gardé Travis, et parfois Ü. Ma correspondance administrative utilise souvent Patrice BURKI.
Vous êtes né à Marseille, quel rapport entretenez-vous avec cette ville ?
J'aime cette ville. J'y ai de la famille des amis et je suis assez familier avec son architecture baignée de lumière, son port, ses zones industrielles, sa guarrigue et ses ruelles. Pourtant je me suis toujours senti un peu à l'équart. mais je me suis toujours senti un peu à l'éqart de tout. Aujourd'hui je vis à Paris, mais en ce moment je suis à Houston au Texas et je ne saurais dire si je me sens plus chez moi à Paris ou au Texas. En fait quel que soit le lieu, j'écris des chansons, je rencontre des gens, je donne des concerts et j'invente des concepts artistiques.
Vous le prenez mal si je dis que vous êtes assez déjanté ? Une collègue parlait de vous en disant ‘on dirait Christophe, toujours expérimental mais l’espoir et la joie de vivre’…
Sans jante, oui ça me convient. Je suis assez perfectionniste et tout le contraire en même temps. J'expérimente, j'ai de l'espoir et de la joie de vivre.
Aura-t-on la chance, un jour, de voir sur le marché des inédits de votre premier groupe, THE PRIMITIV, que vous aviez fondé à 14 ans ? Je suis persuadé que ce doit être quelque chose…
Je ne suis pas sur qu'il reste un enregistrement. Peut être chez l'un des membres du groupe, Sébastien, un de mes plus anciens amis, de Lyon. Il a peut-être quelque chose. Mais vous savez, et c'est aussi valable pour ce que je fais actuellement, les enregistrements, les traces, ne sont qu'une infime partie de l'essentiel. l'essentiel échappe aux preuves. Cela dit je serai bien content d'entendre "alone in the town" version Primitiv 1984.
Que devient la compagnie que vous avez fondé, Hansen Moeller ?
Un nom de plus, celui de ma mère, un nom suédois que j'aurais pu porter. Cette compagnie était composée de plusieurs artistes qui font de belles carrières aujourd'hui. Il y avait Eloise Decazes qui joue avec ARLT, Audrey Vernon, qui a son one woman show et qui bosse à la télé. On au joué la pièce Decadancing et Quatre Quart. Ces pièces ont d'ailleurs été publié par les éditions Jours chômés. Sinon, cette compagnie n'a plus d'activité depuis un court métrage publié en 2007.
Question bateau, mais voilà il faut bien se jeter à l’eau (ô…) : où puisez-vos inspirations ?
Je ne sais plus. Je suis porteur de tant de souvenirs et d'œuvres que j'ai aimé, que j'ai découvert, sans le savoir oou en le sachant, je ne sais pas. Je m'inspire. J'inspire. C'est ça la poésie.
Vous semblez dans un état de création perpétuel, infatigable, être artiste c’est une quête pour vous ? Que cherchez-vous ?
Être entendu. Porter secours. Amuser la gallerie. La vie me semble parfois une salle d'attente ou les gens sont assis et un peu anxieux. Moi, comme d'autres. Nous les artistes, on arrive et on dit bon voilà ce que je viens de trouver, voilà ce à quoi je viens de penser, voilà mon projet, faisons un truc ensemble.
Je créé pour la société, pour le groupe, pour donner du baume au cœur, pour surprendre. mais tout ça ne répond que partiellement à la question du pourquoi. Je ne sais pas pourquoi mais je sais comment. L'art est ma réponse. On m'a offert de vivre. Voilà ma réponse. Une réponse d'amour et de poésie.
Le coup de l’artiste engagé ça fait un peu cliché mais vous nous avez surpris en 2011 en soutenant Martine Aubry. Ce n’était pas très consensuel comme choix, c’était même courageux (les artistes préfèrent s’engager contre la faim dans la monde, contre le cancer), que retenez-vous de cet engagement ? Cela vous a-t-il valu des ennuis ?
Martine Aubry est quelqu'un de brillant. C'est une femme et j'aurais aimé élire une présidente de la république. La troisième raison est que je sentais qu'elle pouvais créer quelque chose en France, une prise de conscience en même temps qu'une prise de courage que ni Hollande ni Sarkosy ne me semble capable de créer. mais tout ça est de l'ordre de l'intuition. Je ne saurais pas vous le prouver politiquement. C'est pour ça que je fais de la poétique. La poétique est l'art d'organiser la société selon sa propre intuition et non selon des règles imposées.
Et puisqu’on y est, que pensez-vous de François Hollande ?
J'aime bien Hollande mais je ne m'attends pas à des miracles. Il a tenu le PS pendant des années sans donner l'impression de faire quoi que ce soit. Il pourrait bien tenir à son poste. Mais je crois que la France est vouée à laisser beacoup de plumes pendant le 21ème siècle. Ce n'est pas un président qui va y changer quoi que ce soit. Cela dit, c'est important d'avoir quelqu'un qui au moins pendant quelque temps, apporte un peu d'espoir sans vouloir à tout prix présider le pays comme un manager de fast food. L'heure est au Fancy Veggie vous savez...
J’ai lu que vous avez pas mal voyagé, que vous parlez plusieurs langues, comment vous sentez-vous en France ?
Je me sens bien quand je me sens bien, partout. La france en 2013 est une destination assez idéale. Paris, Lyon, Marseille, Rennes, Toulouse sont de belles villes, la campagnes, la mer, la montagne, c'est cool.
Les Français sont durs quand mêmes. Ils sont tellement pessimistes, hautains, peu sûrs d'eux qu'ils sont pénibles à cotoyer. Je préfère la compagnie des touristes et des artistes. Mais malgré mon mélange d'origines, je ne peux nier être français et avoir les qualités et les défauts du français. Individualiste, élégant et cultivé équilibre le tableau bleu blanc rouge.
Et Dieu dans tout ça ? Le protestantisme ? (je crois me souvenir d’un entretien avec la Croix…)
Je suis fils de Pasteur. J'ai été elevé dans la foi. J'ai appris à prier quand j'avais 5 ans. je connais la bible. Je n'ai pas de religion au quotidien. Mais la culture protestante fait partie de mes racines. Le judaïsme, l'hindousime, le boudhisme et le yoga nourrissent tout autant ma spiritualité.
Et votre rapport à la scène ?
C'est le don de soi. J'aime de plus en plus donner des concerts. mais de moins en moins la façon dont on pense les concerts, dont on les organise en Francer. Je trouve que le statut d'intermittent du spectacle lamine la création.
J'ai donné un concert à Houston cette semaine, à Marseille ce sera début avril, à Paris, c'est un ou deux par mois, la scène est un moment privilégié.
Un mot à dire sur la chanson francophone, votre métier, les médias etc ?
Je viens de parler des intermittents. J'ai été un peu dur quand même. Nombreux parmi mes amis sont intermittent. Mais, là encore c'est l'intuition qui parle, je sens qu'il vaut mieux mettre en danger son confort quotidien quand on est artsite et faire en sorte de percer, de lutter et de prendre le risque d'échouer que de se retrouver à devoir comptabiliser un nombre de cachet, de refuser du boulot parce que c'est moins bien payé qu'un autre. ëtre prêt à tout moment à laisser en plan une tournée pour switcher vers du plus lucratif. Voilà une demande insistante de ma part : pour la qualité de la musique en France, supprimer le statut ! Rendez la liberté aux musiciens !
Pour ce qui est des médias en France, je les connais sans les connaitre. Bon, mon ex femme est journaliste à la télé, j'ai des amis chez France Inter, des gens très respectables que j'apprécie dans la presse écrite mais c'est à peu près tout. L'ère du Bref se propage et s'amplifie. Les gens ne sont pas forcément en place longtemps. Les médias se doivent d'être toujours frais et réactifs. ça ne colle pas toujours avec mon métier d'art au quotidien, je ne fais pas beaucoup d'effort non plus pour aller à la rencontre des publics et des médias.
Avez-vous le sentiment de faire partie du star-system, du show-biz ? Le show biz c'est chaque année nouveau. Vous entrez vous sortez. On vous connait on vous oublie. En 2013, en mars, je suis far away.
S’il fallait n’emmener qu’une chanson à vous sur une île déserte, laquelle choisiriez-vous ? Une chanson sur mesure. Envoyez moi la date de naissance et le prénom de celle ou celui qui part sur l'ile et je fais la chanson.
Des chanteurs que vous aimez ? Johnny Cash. Bowie. Paolo Conte. Caetano Veloseo. Dylan. Gainsbourg.
Des chanteurs que vous détestez (parce qu’Anne Sylvestre l’a chanté elle-même, Cinq minute de langue de pute, c’est fou ce que ça fait du bien…) ? Je ne suis pas très fan de Sardou mais j'ai écouté plusieurs fois son titre "Mauvais Homme" et ça m'a touché.
Des artistes, autres que chanteurs, que vous aimez ou détestez ? J'ai lu Borjes, Balzac, Hugo, WS.Merwin, FROST, Emily Dickinson
Votre meilleur souvenir depuis vos débuts d’artiste ? La première partie de Bashung à Issy les Moulineaux en 2004
Votre pire souvenir ? Un bœuf avec un groupe de jazz fusion du Mans qui reprenait "encore et encore" de Cabrel
Quand peut-on vous retrouvez sur scène ? Le 3 avril à la caravelle 34 quai du Port 13004 Marseille
Des projets ? Un album!
Un coup de gueule ? Make me rich !
On n’échappe jamais à cette question sur mon blog : votre plat préféré ? Le Hummus
Merci!
L.M
http://www.travisburki.com/ - http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%9C_(chanteur)