Apparition d’un transport aérien ŕ deux vitesses.
L’année derničre, le transport aérien mondial a bénéficié d’une croissance de 6% environ, légčrement supérieure ŕ la moyenne historique. Mais toutes les régions du monde n’ont pas bénéficié de cette bonne tenue de la demande, situation que confirment éloquemment les aéroports français. Leurs statistiques, en effet, illustrent en effet la réalité d’une période maussade pour le Vieux Continent en général, l’Hexagone en particulier.
Aéroports de Paris, puissance dominante, certes en bonne santé financičre, affiche des chiffres trčs médiocres avec une progression minimale de 0,8% de son trafic passagers (88,8 millions de voyageurs) et un recul de 6,2% de son trafic fret et poste (2,25 millions de tonnes). Les 61,6 millions de passagers dénombrés ŕ CDG correspondent ŕ une trčs modeste progression de 1,1% et, ŕ Orly, 27,2 millions de passagers traduisent une quasi stagnation de la demande avec + 0,3%. Dans le męme temps, ADP, qui se déploie ŕ l’international, note avec une bien compréhensible satisfaction qu’Istanbul Atatürk, avec 45 millions de passagers, a fait un bond en avant remarquable de plus de 20%. Mais c’est lŕ un autre monde.
ADP n’affiche pas le moindre optimisme pour 2013 en prévoyant prudemment un trafic stable. Les chiffres de janvier indiquent un recul de 3% qui est pour le moins décourageant, męme s’il serait malvenu d’en tirer des leçons évidemment tout ŕ fait prématurées.
Jean-Michel Vernhes, président de l’UAF, Union des aéroports français, confirme que Ťle trafic peine depuis l’automne ť et ajoute que Ť2013 sera une année difficileť. Ce qui revient ŕ dire que l’on assiste sans doute ŕ l’émergence d’un transport aérien ŕ deux vitesses. D’une région du monde ŕ l’autre, de toute évidence, le trafic obéit ŕ des rčgles différentes, liées pour l’essentiel ŕ la segmentation de plus en plus nette de la conjoncture économique. Aux Etats-Unis, c’est le marché qui est arrivé ŕ maturité et la tendance ŕ la récession n’arrange rien. En Europe (mais de maničre non homogčne), c’est la demande qui ne trouve pas un nouveau souffle.
La segmentation est aussi ŕ l’image de la confrontation des compagnies traditionnelles avec les infatigables animateurs du modčle low cost. Les aéroports membres de l’UAF ont enregistré 168 millions de passagers en 2012 dont, souligne Jean-Michel Vernhes, plus de 35 millions ont voyagé ŕ bord des avions de Ryanair, EasyJet et de leurs émules. Une progression de 9,5% qui retient l’attention, compte tenu du marché atone que semblent illustrer les statistiques de l‘ensemble de la profession et Ťde prévisions plutôt platesť.
Chacun y trouvera ce qu’il cherche. Immuable, la domination parisienne demeure spectaculaire (58,9% du trafic total) mais quelques plates-formes que l’on hésite parfois ŕ qualifier de secondaires continuent de croître et embellir, précisément grâce au secteur low cost. On le vérifie, par exemple, ŕ Beauvais-Tillé, Carcassonne et Nîmes tandis qu’en tęte du classement provincial, Marseille-Provence occupe solidement la plus haute marche du podium avec une progression du nombre de passagers de 12,7%, ŕ 8,2 millions. Il est vrai que Ryanair, aprčs avoir fermé sa base marseillaise, est revenue un peu plus discrčtement et accumule lŕ de beaux succčs.
Nantes Atlantique retient évidemment l’attention. Dixičme dans le classement de l’UAF, talonnant Beauvais, l’aéroport breton a enregistré l’année derničre une solide progression de 11,9%, avec 3,6 millions de passagers. Bien entendu, il n’y a lŕ nullement matičre ŕ justifier la construction de la nouvelle plate-forme de Notre-Dame-des-Landes, pas męme un début d’argumentation, toute Ťsaturationť étant exclue, męme en regardant au-delŕ de l’horizon. De plus, ce que l’UAF ne dit évidemment pas, il y a trop d’aéroports commerciaux en France, trčs exactement 156. Mais c’est lŕ un sujet tabou.
Pierre Sparaco - AeroMorning