A quel moment ai-je perdu mon passe-partout, celui qui me permettait d'être chez moi en tous lieux ?
Laissez donc entrer Swann (8 ans) dans votre salon et en 5 minutes il est chez lui. Je l'entends parler au fauteuil dans lequel il s'assoit, il attrape un livre sur votre table basse et le déplace sur un territoire approprié, à peine plus loin sur la table, devenue sa table le temps d'une inspiration. Pendant qu'on fait la visite de l'appartement, il y projette sans contrainte sa vie, ses aventures, sa temporalité, passé présent futur. Il infiltre l'espace étranger, l'envahit, et le conquiert entièrement. Il est comme la lumière du jour qui entre par les fenêtres et ressort par la porte. Vivre comme Swann c'est traverser, et embrasser. Le monde est à lui.
Où ai-je laissé mon passe-partout ?
Parfois, je me sens même étrangère chez moi, dans tous ces meubles que j'ai choisi et qui m'accompagnent depuis des années. Envie de fuir. Facile de fuir. Je réfléchis à tous ces choix qui s'offrent à moi, ces invitations au voyage, et je crois alors que l'aventure est ailleurs... Je pars y goûter des bouts d'autre chose, mais je reviens chaque fois tête basse, entre deux gendarmes qui me ramènent au pays.
Pourtant, je le sais bien, et Swann me le démontre chaque jour. Je ne dois ni fuir, ni me résoudre, je dois traverser... Me revoilà, cherchant ma place, encore... Je m'accroche alors à la proposition de Jean-Marc citant René Char "Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté".