Prétendre livrer, en un peu plus de 300 pages, la façon de trouver et d’entretenir le bonheur, vous voulez rire ?
C’est bien parce que c’est ma fille Florence qui m’a offert cet ouvrage que je me suis attelée à sa lecture, alors que je ne possède aucun bagage intellectuel en psychologie. Eh bien, c’est une révélation ! D’abord, ce n’est pas un ramassis de trucs de bonnes femmes ou de médecins-miracles : Mihaly Csikszentmihalyi est un scientifique – il a enseigné à l’Université de Chicago et est aujourd’hui professeur au Claremont College en Californie - qui étaye son propos par des études chiffrées et la relation de milliers d’expériences vécues, dans diverses parties du monde. « Vivre » est une œuvre fondatrice, qui illustre la notion de « flow » : ou comment transformer une existence ennuyeuse en vie pleine d’enchantements. Tout simplement ! Lorsque l’attention est librement investie en vue de réaliser un but personnel sans menace d’une information contraire, on appelle cet état « flow experience ». Ceux qui atteignent cet état développent un « soi » plus fort, plein de confiance et d’efficacité.
La thèse appartient à la mouvance de la psychologie positive (Rogers, Maslow…). Elle repose sur la notion d’ «expérience optimale» : celle qui, à un instant précis, donne le sentiment de maîtrise qui s’approche autant que l’on puisse l’imaginer de ce que l’on appelle le bonheur. Ce moment si intense, on veut le revivre à chaque instant de la vie. Entre le « Connais-toi toi-même » d’Aristote et les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola, chacun de nous peut parvenir à exercer sa conscience pour parvenir à faire de chaque moment de son existence une succession d’expériences optimales.
L’auteur nous guide pas à pas afin de nous aider à comprendre ce qu’est la conscience, l’attention aux éléments d’information, comment ne pas gaspiller son énergie psychique, et comment devenir une personnalité « autotélique », c’est-à-dire qui accède au bonheur par la recherche d’activités pour elles-mêmes. L’expérience optimale, qui peut résulter de la réussite d’une escalade périlleuse comme de la résolution d’une grille de mots croisés, requiert certaines conditions, qu’il faut s’efforcer de réunir : il faut avoir des aptitudes dans le domaine, se fixer un défi qui y corresponde, suivre le but fixé et les règles du jeu, recevoir en échange une satisfaction (rétroaction) et avoir une certaine concentration dans l’action (que l’on reconnait au fait que l’on ne voit pas le temps passer).
« Vivre » nous apprend à utiliser le temps passé seul de manière utile et pertinente. Et surtout, que des expériences optimales peuvent être obtenues dans toutes les situations de la vie, même les plus cruelles, de conflits, d’injustices, de maladie ou de handicap. Ce n’est pas à proprement parler un livre facile, les descriptions et exemples cités sont parfois fastidieux mais, à la manière américaine, tout à fait pertinents. On en apprend beaucoup sur sa façon personnelle de percevoir l’existence … ce qui, sur le dernier versant de sa vie, est bien utile pour appréhender l’avenir, nécessairement restreint dans mon cas personnel …. Comme le préconise le jeune Paulo, qui a perdu la vue six ans avant d’être auditionné dans le cadre des études statistiques qui fondent ce livre : « J’accepte mes limites mais j’essaie de les dépasser, j’essaie de changer les situations que je n’aime pas, je ne veux pas répéter certaines erreurs passées, Je ne me fais pas trop d’illusions, je m’efforce d’être tolérant envers moi-même et envers les autres. »….
Merci Florence ! Je reconnnais bien là tes aptitudes à devenir coach ....
Vivre, la psychologie du bonheur, par Mihaly Csikszentmihalyi (2004), préface de Davis Servan-Schreiber, traduit par Léandre Bouffard, chez Robert Laffont Pocket, 377 p. 7,60€