Rascal – Murat © Futuropolis – 2013
Abel sort de taule après sept années passées derrière les barreaux. Personne ne l’attend et il n’a aucun point de chute…
« Je suis sorti comme j’étais entré. Mêmes fringues pourries sur le dos et sac Tati à la main. Juste plus léger, côté des illusions ».
Il n’a que de maigres économies en poche mais Abel ne s’inquiète pas. Son magot l’attend, bien planqué entre les quatre murs d’une usine désaffectée. Mais arrivé à destination, il découvre qu’un musée d’art contemporain flambant neuf a remplacé la vieille usine. Aigri, Abel a comme seule consolation le fait de pouvoir profiter de la visite, il s’arrête pour contempler un Magritte. La sonnerie d’un portable le ramène à la réalité. Abel décroche. A l’autre bout du fil, la propriétaire du mobile. Elle lui demande de lui envoyer son téléphone en recommandé, Abel accepte…
« Elle habitait en Italie. Elle aimait Bach. Et moi, j’aimais déjà sa voix ».
Finalement, faute d’avoir eu la patience de faire la queue au bureau de Poste, Abel se retrouve au volant d’une voiture volée en direction de l’Italie avec la ferme intention de remettre le portable en main propre à la belle italienne…
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Que de nostalgie et d’amertume dans ce récit ! Ces deux ingrédients créent une atmosphère agréable, elle est propice à l’introspection que cet homme réalise sous nos yeux. On le découvre désabusé, usé par la vie mais contre toute attente, il se laisse porter par l’espoir d’une vie meilleure. Une vie qui lui sourirait enfin après des années de galères. Le contraste est assez surprenant, cet homme m’a intriguée.
L’histoire se construit à l’aide d’une voix-off, donnant initialement au lecteur l’impression que le récit va être un long monologue que le héros prononcerait d’une voix monocorde. Rascal fait évoluer un personnage qui n’a pas de perspectives d’avenir, la prison s’est chargée de les anéantir. De fait, le narrateur puise essentiellement dans ses souvenirs, du moins dans ceux où il se sentait encore vivant ; ainsi l’enfance, la famille, les refrains de musique semblent être ses seuls repères. La voix intérieure du personnage nous aide à comprendre son état d’esprit, son parcours et les raisons qui le conduisent à prendre la route. On voit cet homme s’extraire lentement de son mutisme. Il cherche à retrouver le goût de la liberté.
Les dessins de Thierry Murat sont sobres. Les teintes sépia dominent et renforcent les sentiments de solitude et d’isolement d’autant plus forts que cette tranche de vie se déroule presque entièrement dans l’huis-clos d’une voiture. Les personnages secondaires se comptent sur les doigts d’une seule main…
Au vent mauvais fait moins réfléchir à la question de l’enfermement qu’à celle sur les séquelles d’une longue détention. Finalement, quoi de plus logique pour un ancien détenu que de ressentir le besoin (presque vital) de profiter de grands espaces ? Et quoi de plus pertinent qu’un road-movie pour matérialiser cette idée ? Comment expliquer son besoin inconscient de vivre libre dans l’espace étriqué d’une voiture ? Pourquoi aller chercher l’amour auprès d’une inconnue ? Pourquoi les couleurs des paysages traversés ont-ils invariablement la même couleur ? Pourquoi ??
Rascal – Murat © Futuropolis – 2013
Au cours de l’année passée, d’autres albums ont abordé la question de l’enfermement. Si cela vous intéresse, je vous conseille également de lire En chienneté et 20 ans ferme…
…
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure ;
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà
Pareil à la
Feuille morte.
(Paul Verlaine, Chanson d’automne)
Au vent mauvais
One shot
Editeur : Futuropolis
Dessinateur : Thierry MURAT
Scénariste : RASCAL
Dépôt légal : mars 2013
ISBN : 978-2-7548-0728-9
Bulles bulles bulles…
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