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Courage ... reculons !

Publié le 12 avril 2008 par Renefoulon

En 1995, les analystes politiques ont prétendu à la quasi-unisson que Jacques Chirac avait été élu en grande partie grâce aux "déçus du socialisme". L'analyse vaut ce qu'elle vaut. Je pense pour ma part qu'une bonne partie des sympathisants socialistes de 1981-réformés version 1988- avaient entre temps compris que leur "mentor" s'était servi du mot (et du parti du même nom qu'il avait créé à cet effet) pour les amener aux urnes à la fois sur son nom et sur un projet qu'il savait d'avance ne pas pouvoir tenir. De fait, nous avons été un certain nombre à constater avec une certaine (raisonnablement bonne) surprise que ce "François II, Souverain des Français" savait échapper à pas mal des vieux démons de son "peuple de gauche", hérités de feu la SFIO, et qu'il avait un certain talent pour faire avaler des couleuvres à ses troupes. Mais tout a une fin, et celle du Maître étant proche, ses disciples se sont égayés, et fourvoyés dans les méandres du leurre chiraquien...

En 2002, et malgré un passage à Matignon somme toute pas trop calamiteux, exception faite de quelques grosses bourdes nées de l'idéologie qui était et reste la sienne, son successeur désigné s'est trouvé balayé par un vent d'extrême droite qui ne fut à mes yeux que l'expression de la continuité, largement amplifiée, de la désillusion dont je parle plus haut. Sachant que Jacques Chirac en est l'un des premiers responsables, sa "gouvernance molle" étant venue y ajouter une impression d'incompétence. Plus il aurait fallu avancer, et plus il reculait... Il a néanmoins bénéficié "par défaut", au deuxième tour, de la peur panique qui s'était emparée d'une grande partie de l'électorat. J'avoue que pour ma part, et sans pourtant avoir eu peur (Le Pen ne peut pas être dangereux : il n'est pas assez crédible pour ça !), que dans la situation inverse, j'aurais évidemment voté Jospin (avec, quand même, un certain dégoût) pour éviter l'arrivée au pouvoir de ce représentant proclamé de la "peste brune". Je salue encore aujourd'hui le civisme des électeur socialistes qui ont voté Chirac dans le même état d'esprit. Ca n'était pas si facile...

Compte tenu de cet historique peu glorieux, l'élection présidentielle de 2007 était loin d'être jouée d'avance, et je suis convaincu encore aujourd'hui que si Jacques Chirac s'était présenté pour un troisième mandat, la candidate socialiste avait toutes ses chances, compte tenu du désenchantement, et de la désaffection inhérente, de la plupart des citoyens de ce pays. Heureusement, il n'en a pas été ainsi, et les talents de bretteur de Nicolas Sarkozy ont pu faire pencher la balance du bon côté, du moins de mon point de vue.

A ce stade, j'ai fait partie de ceux qui, non contents d'être satisfaits de l'élection de celui qui avait, et de très loin, le meilleur programme pour la France et les Français, mettaient également leur confiance dans sa capacité, qui semblait alors sans conteste, à mener à bien les réformes qu'il annonçait. On était en mai 2007, et presque un an a passé depuis.

Durant cette année qui vient de s'écouler, nous avons eu droit à tout et à son contraire. J'entendais ce matin un certain Patrick Devedjian faire l'éloge du gouvernement dont aucun autre "n'a fait autant de réformes en si peu de temps". C'est peut-être vrai, et je ne vais pas m'amuser à faire des statistiques sur le sujet, mais plus que sur leur nombre (celui des réformes), je préfère m'attacher pour ma part à leur qualité. Je ne vais pas non plus passer en revue tout ce qui a été fait (il faut bien reconnaître, en effet, que cela représente un certain volume de textes législatifs), mais je donnerai simplement ici mon sentiment général, qui est celui de beaucoup d'entre nous.
Les réformes réalisées à ce jour l'ont été trop lentement, ont été à mon avis mal choisies quant à l'ordre de leur venue devant le Parlement (il y avait je pense plus urgent), et, sous prétexte d'une concertation d'ailleurs contestée par les intéressés et donc quasiment inutile, la plupart du temps exagérément édulcorées. En résumé, il fallait aller plus vite, aller à l'urgent, et aller (beaucoup) plus loin...
Je ne dresse pas, cependant, un tableau totalement négatif de l'action gouvernementale. Beaucoup de choses ont été faites qui vont dans le bon sens, et il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Cependant, le sentiment d'impatience le dispute à une certaine dose de déception, et si on y ajoute la conjoncture internationale qui pèse sur l'économie et donc sur le pouvoir d'achat des ménages, une certaine "manière d'être" gesticulative et ostentatoire du Président, on obtient un cocktail détonnant qui explique selon moi sa chute dans les sondages d'opinion, lesquels ne valent bien sûr que pour ce qu'ils sont, et j'ai déjà écrit ce que j'en pensais, mais comme dit le bon sens populaire "il n'y a pas de fumée sans feu". La désillusion est latente, sinon avérée.

Et comme si ça ne suffisait pas, nous assistons depuis quelques semaines à une série de "reculades" spectaculaires. Des annonces sont faites "en rafale", et sans réflexion préalable suffisante je pense, par le Président ou par tel ou tel de ses ministres, y compris le premier d'entre eux. Puis que ce soit sous la pression de la rue, des syndicats, d'associations ou d'autres groupes de pression, très largement relayés par une presse avide, comme à l'accoutumer, de sensationnel, et qui "saute" sur la moindre occasion, surtout quand elle est d'opposition, nous voyons le Président "monter au créneau" et "trancher", selon la terminologie des médias. Trancher toujours dans le même sens, malheureusement ! C'est à dire à reculons...

Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, Messieurs et Mesdames les ministres, vous et les parlementaires qui vous soutiennent n'avez pas été élus pour ça ! Vous avez été élus sur la base de programmes ambitieux et de projets de réformes précis et clairement énoncés, principalement dans le programme présidentiel. Vos électeurs et vous-mêmes saviez parfaitement que la mise en oeuvre de ces réformes ne serait pas une "promenade de santé" et que beaucoup d'entre elles seraient impopulaires.
Monsieur le Président, nous vous avons entendu à plusieurs reprise dire haut et fort que "quand on recherche la durée, on n'a pas suffisamment de temps pour l'action". Nous avons tous compris que cela signifiait pour vous la volonté de réformer quitte à y perdre en popularité dans l'optique de 2012. Nous ne vous pardonnerons pas de mener votre action dans l'optique inverse ! Vous baissez dans les sondages ? Il y a des manifestations de rue ? La presse se déchaîne ? Les élections intermédiaires sont perdues ? Et alors ?... Les chiens aboient et la caravane passe, ai-je déjà écrit ! Je le répète ici...

Tous vos électeurs ont compté sur votre courage affiché pour mettre enfin en oeuvre la politique dont la France et les Français ont besoin et qu'ils attendent depuis plus de trente ans d'immobilisme et de d'assistanat sclérosant. Aucun d'eux n'est prêt à vous autoriser à reculer à la moindre contestation. Vous êtes au pied du mur. Pouvons-nous encore espérer en vous ?... Ou bien, treize ans après les déçus du socialisme, devrons-nous nous compter à notre tour, nous, les déçus du sarkozysme ?


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