… Suite du dossier de Witz Montpellier sur les web-séries montpelliéraines (voir la 1ère partie, voir la 2ème partie)
Montpellier est une belle ville. Pourtant bien que de plus en plus de films soient tournés dans la région Languedoc-Roussillon, il n’y a pourtant pas énormément de films ou de séries qui se tournent à Montpellier même. On retiendra parmi les meilleurs, L’homme qui aimait les femmes de François Truffaut et parmi les pires, Antigone 34, série de France 3.
Malgré ça, Montpellier à l’air d’attirer de plus en plus de monde artistiquement parlant et c’est une bonne chose. Le fait que sa population soit très étudiante (1 habitant sur 4) fait que Montpellier est un bouillonnement à tout instant de culture comme on essaie de vous le prouver tous les jours sur Witz Montpellier. Pour vous, j’ai donc sélectionné pour ce dossier, cinq web-séries Montpelliéraines : Man Vs. Dead, Mafia Belloni, Bail à céder, Another Hero et Comment Pécho ?
Avant d’attaquer le dossier, petit retour sur l’histoire du terme de web-séries. En effet, à l’origine une web-série est une fiction littéraire créée par un fan empruntant à un univers déjà connu (jeux vidéo, manga, comics, science-fiction). Ces fictions étaient souvent faites de plusieurs épisodes et postées sur internet pour être suivies par une communauté de fans sur des forums, des chats ou des blogs. Le terme a ensuite été repris au début des années 2000 avec la montée en puissance des plateformes de partage de vidéos (Youtube et Dailymotion en tête) pour être appliqué à de courtes vidéos (2/3 minutes maximum à l’époque) qui étaient reliées par une ambition commune. A l’époque, très peu de web-séries fictionnelles (les caméras numériques n’ont pas encore explosées en terme de vente) mais beaucoup de web-séries pratiques (bricolages, installation informatique) ou documentaires. Quelques années plus tard vers 2005, les web-séries fictionnelles se font de plus en plus présentes en particulier aux Etats-Unis pour ensuite arriver en France et connaître le succès qu’elles ont aujourd’hui. Vous l’aurez compris une web-série est donc un ensemble de vidéos de courtes durées (rarement au delà de 10mn) se réunissant autour d’un sujet, d’un thème ou d’une trajectoire narrative qui sont postées sur le web.
Pour constituer ce dossier je me suis appuyé sur les entretiens que les créateurs (et réalisateurs) ont bien voulu m’accorder. Je tiens donc à les remercier de m’avoir si gentiment répondu et d’avoir pris le temps de le faire car je sais qu’ils sont souvent très occupés. Maintenant que vous connaissiez la théorie, place à la pratique, le visionnage.
Bail à céder raconte l’histoire de Thomas et David, deux personnes qui se mettent en colocation dans un appartement. L’histoire est simple mais ce n’est pas vraiment important puisque chaque épisode est indépendant. S’agit-il donc d’une web-série pour autant vu qu’il n’y a pas sérialité ? Bien sur que oui, la preuve en est que de nombreuses séries sitcom américaines suivent ce modèle d’épisodes indépendants. Chacun des 12 épisodes qui constituent la première saison traite donc d’un sujet, d’un thème souvent (mais pas toujours) lié à l’actualité : le mariage homosexuel, l’affaire DSK ou bien Noël. D’une durée de 5min en moyenne et filmée entièrement sur leur webcam, la web-série est bien pensée, les deux colocataires étant quasiment tout le temps sur internet.
Bail à céder est une web-série « interactive ». Pas interactive dans le sens où le spectateur contrôle en direct la narration ou les personnages mais interactive dans le sens où ce sont les spectateurs qui décident du thème abordé au prochain épisode.
Qui y a-t-il derrière l’existence et la caméra de Bail à Céder ? Eh bien, les même personnes qui se trouvent devant, c’est à dire Thomas (Guibal) et David (Rinaldi) qui s’occupent donc d’écrire, de tourner, de monter et de jouer mais comme ils le disent eux-mêmes : « Le public qui nous suit est considéré comme faisant partie de l’équipe Bail à céder. »
Thomas et David ayant déjà travaillé ensemble sur l’écriture d’un court-métrage (N9UF), les deux souhaitaient retravailler ensemble :
« Nous avions pour projet d’écrire, jouer et réaliser un format court sur int:ernet. Restait à trouver le bon concept. Nous nous sommes donc inspirés du concept de la ligue d’improvisation qui demande au public de participer à travers la proposition de thème : Bail à céder était né ! »
Et quelle belle naissance !
Web-série en plein dans son temps, les deux créateurs semblent avoir compris le principe et la puissance de ce format là :
« Le format web est le plus économique. Il permet de s’exercer et de se faire connaître de quelques personnes. Cela ne nous empêche pas d’écrire parallèlement des courts métrages. Ce qui est intéressant à nos yeux, c’est le style d’écriture que cela implique, différent de fictions plus traditionnelles: nous écrivons, tournons, montons, postons très rapidement pour rester dans l’idée d’immédiateté propre au net. »
On ne peut pas dire que cela ne fonctionne pas, les épisodes sont drôles et bien écris (on re soulignera le fait que les thèmes sont imposés) car Thomas et David savent qu’ils sont sur internet et qu’ils ont une liberté de plus par rapport aux autres médias :
« On ne se censure aucunement par rapport au développement du sujet. Internet est dans ce sens une plateforme de liberté. Nous nous interdisons juste la méchanceté et la provocation gratuites. Tant que cela nous fait rire, nous estimons que notre public suivra. »
En effet des épisodes, comme celui du mariage homosexuel, sont plutôt bien écris malgré le sujet un peu délicat bien que l’épisode soit sorti en octobre 2012, il n’est on ne peut plus d’actualité en ce mois de février 2013. Mais Bail à céder ce n’est pas que des sujets « sérieux » d’actualités il y a aussi des thèmes assez loufoques : « Pourquoi y’a une otarie dans la baignoire ? », « Putain, t’a oublié de racheter du café ! » ou encore « Thomas croit qu’il a des supers pouvoirs ».
David Rinaldi et Thomas Guibal sont donc plutôt à l’aise sur tous les sujets. Ou presque. Car en tant que web-série bien ancrée dans leur époque, Bail à céder n’hésite pas à faire dans la « méta-série ». Mais c’est quoi la « méta-série » ? La « méta-série » donc c’est une série (ou un film, ou une BD, ou ce que vous voulez) qui fait référence au fait qu’elle est une série de fiction. Dans Bail à céder par exemple, c’est le moment dans l’épisode « David à un secret » où David pris de paranoïa demande s’ils sont filmés et regarde la caméra « dans les yeux ». David admet donc l’existence d’une caméra et brise ce qu’on appellerait au théâtre « le quatrième mur ». Un autre exemple, c’est l’épisode « Quoi ? T’as jamais eu la fève ? » qui repose quasi exclusivement sur ce principe car dés le début de l’épisode Thomas s’exclame : « Ca me gave ce thème » et s’ensuit une discussion sur les règles des thèmes imposés, du nombre de « viewers » etc. On brise donc là le quatrième mur, est-ce que l’on est encore dans la web-série de fiction Bail à céder ou alors dans une scène documentaire où les deux auteurs de la web-série voudraient montrer leur mécontentement autour des thèmes qu’on leur impose ? Bon, il s’agit bien sur d’une partie de l’épisode qui fut surement écrite puisque la suite de l’histoire va doucement glisser vers le thème du sujet qui sera encore une fois respecté. De plus dans Bail à céder en plus d’un thème imposé par le public, il y a également des mots à placer et les moyens qui seront employés dans cet épisode ne seront pas forcément des plus subtils mais surement des plus drôles et toute la force de ce « méta-épisode » sera encore plus accentuée.
Bien que certains quartiers de Montpellier soit cités, la beauté de la ville n’a aucune place dans la web-série étant donné que le seul décor de la web-série est l’intérieur d’un appartement. Malgré ça Thomas et David ne semble pas vouloir négliger cet aspect : « Se présenter comme montpelliérain peut jouer sur la fibre régionale de certains de nos spectateurs et ainsi amener l’idée qu’il n’y a pas qu’à Paris que l’on peut créer. »
Il est bon en effet de rappeler qu’il n’y a pas qu’à Paris que des choses intéressantes se créer et qu’une ville comme Montpellier à toutes les qualités requises pour monter et réussir de beaux projets.
Quant à l’avenir de Bail à céder, il n’y a plus pour le moment d’épisode diffusé mais nos deux colocataires semblent être occupés avec d’autres projets et malgré le peu de vues (au tour de 800 par épisode), une deuxième saison semble être en préparation, il ne nous reste donc plus qu’à attendre que celle ci débarque sur nos écrans !
Alexandre Impinna de Witz Montpellier.