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Le lundi dans l'caniveau, le mardi, dans l'frigo (ou l'art d'accomoder la cervelle un jour de semaine)

Publié le 05 mars 2013 par Absolut'lit @absolute_lit

littérature, livre, poésie, poème, musset, chanson de Fortunio, cervelle, fait divers, suicide- Bonjour M'dame Grimbert
- Bonjour M'dame Rochin
- Comment allons-nous aujourd'hui ?
- Oh bah moi ça va hein, c'est pas comme le p'tit jeune d'hier là..
- Oh la la, oui quelle histoire hein ! Y se s'rait suicidé d'après c'qu'on dit ?
- Oui oui, l'a sauté du quatrième, à cause d'une fille, apparemment.. Et selon M'dame Michaux, y s'est pas loupé, on a r'trouvé des bouts d'cervelle jusque dans l'caniveau..
- Quelle horreur. Si c'est pas malheureux d'perdre la tête comme ça, pour une amourette..
- C'est l'cas d'le dire oui... pour l'avoir perdue, il l'a perdue..
- Tnez r'gardez, tout un foin qu'ça fait, y a 'core des journalistes qui prennent des photos. Ça va pas louper qu'y vont encore m'interroger.. ça n'arrête pas depuis hier..
- Ah ça.. et tout ce monde, ça vous a pas trop perturbé l'affaire ?
- Bah ! C'est malheureux à dire, mais c'est bien vrai que l'malheur des uns fait l'bonheur des autres.. Je sais pas à quoi c'est dû, si c'est l'émotion ou bien, mais j'ai jamais eu autant d'monde, sauf à Noël et à Pâques.. Ou alors c'est d'voir autant d'sang, ça provoque peut-êt' des envies d'viande..
- P'têt'bien, oué, allez savoir, on nous trouve une raison à tout maint'nant, c'est bien simple..
- Enfin, pauv'garçon, si j'avais su qu'il était sensible à c'point..
- Z'y pouvez rien, M'dame Grimbert, personne savait, on l'connaissait que d'vue, l'était discret au possible.. Si y pouvaient tous êt'  comme ça, ceux d'son âge.. on dormirait mieux !
- Z'avez raison, M'dame Rochin, mais quand même.. Ah, c'est dommage..
- Ah , M'dame Rochin, M'dame Grimbert, r'gardez, y z'en parlent dans l'journal !
- Fait'don' voir ça M'dame Vignon !

Et nos trois curiosités, telles Les Trois Grâces penchées au-dessus du journal posé sur le comptoir de la caisse, lirent la courte histoire de notre jeune suicidé, ainsi qu'une partie de la lettre retrouvée dans la poche de son pantalon, retranscrite pour l'occasion :


Si vous croyez que je vais dire
Qui j'ose aimer,
Je ne saurais, pour un empire,
Vous la nommer.
Nous allons chanter à la ronde,
Si vous voulez,
Que je l'adore et qu'elle est blonde
Comme les blés.
Je fais ce que sa fantaisie
Veut m'ordonner,
Et je puis, s'il lui faut ma vie,
La lui donner.
Du mal qu'une amour ignorée
Nous fait souffrir,
J'en porte l'âme déchirée
Jusqu'à mourir.
Mais j'aime trop pour que je die
Qui j'ose aimer,
Et je veux mourir pour ma mie
Sans la nommer.*

- Et voilà, j'l'ai toujours dit, les poètes, y sont trop sensibles.. y s'font toujours bouffer par leurs vers avant d'pouvoir en vivre..
- A qui l'dites vous ! Bon, avec tout ça, j'vous sers quoi, M'dame Grimbert ?
- Bah, comme tous les mardis, M'dame, Ronchin, comme tous les mardis.. D'la cervelle !

 (* : chanson de Fortunio)


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