DemiGodz « KILLmatic » @@@@
Entre ce premier opus KILLmatic (qui n’est pas sans rappeler naturellement le titre Illmatic de Nas) et leur EP Godz Must Be Crazy, dix longues années se sont écoulée, dix ans pendant lesquels les principaux membres se sont placés sur l’échiquier du rap underground. Apathy, d’abord, a fait des débuts fracassants avec Eastern Conference en 2006 et encore l’année dernière, il a été l’auteur du monstrueux Honkey Kong; il a aussi sorti en 2007 un album commun avec son comparse Celph Titled (No Place Like Chrome), qui lui de son côté a publié deux très bons albums collaboratifs avec Buckwild. Quant à Ryu, il a évolué au sein des Styles of Beyond (groupe proche de Fort Minor de Mike Shinoda).
Viennent s’ajouter dans ce super-collectif Blacastan, Esoteric (vu récemment sur le projet Czarface) et Motive. Certains DemiGodz avaient également renforcé à plusieurs reprises les rangs de l’Army of Pharaohs dirigée par Vinnie Paz. Les voilà maintenant rassemblés, unissant leurs forces sur un opus qui s’annonce d’emblée très très solide.
Consécutif à la brève intro, KILLmatic s’ouvre sur le thème de Rocky habilement samplé sur « Demigodz is Back » pour une entrée en matière titanesque mais pas trop des principaux demi-dieux du mic Apathy, Celph Titled et Ryu. Apathy s’occupe de la prod, il produit d’ailleurs la moitié du disque et son style c’est plutôt dans le genre boom-bap saignant. On se rappelle pourquoi avec cette ambivalence MC/producteur Blanc lui a valu d’être comparé à Eminem à ses débuts. Autres arguments en sa faveur, le premier couplet de »Dumb High » qui provoquera un joli traumatisme ou ce beat de »Just Can’t Quit » qui scratche du Biggie sur un sample de notes graves de piano, mortel. Apathy est un vrai monstre. Mais les autres rappeurs le sont aussi, au point qu’il n’est pas question d’établir une hiérarchie entre eux: Celph Titled est un élément indispensable, Ryu n’est pas en reste, Blacastan se fait remarquer à chaque passage grâce à sa voix particulière, Esoteric est une bête, remarquez peut-être que Motive a du mal à se distinguer mais il s’en tire bien. La belle bande de démolisseurs intraitables et jusque-boutistes.
Il n’est pas évident de déterminer par ailleurs quelles sont les meilleures pièces du boucher au milieu de l’étalage de cette boucherie. Avec « Just Can’t Quit » on peut rajouter »Dead in the Middle« , la confrontation entre Apathy et Esoteric sur »Tomax & Xamot« , « The Fallen Angels » et ses orgues ainsi que « Worst Nightmare« , sur un beat griffé par les mains expertes de DJ Premier. L’autre moitié des morceaux sont laissés entre les mains de Teddy Roxpin, Chumzilla, Will C, les Snowgoons et Marco Polo, ce qui apporte un peu de variété comme des références cartoonesques (« Captain Caveman » avec le fou furieux R.A. the Rugged Man) et un tour par le gospel (« The Gospel According To…« ). L’entrée des invités n’a semblé être permise que s’ils étaient capables de faire jeu égal avec les DemiGodz. Ont été sélectionnés Termanology, la rappeuse Eternia (bon choix!), R.A. The Rugged Man, Planetary des Outerspace et Panchi des NYGz.
En gros avec KILLmatic on s’éclate comme devant un très bon film d’action. Il y a de l’action, du sang, des prises de risque, du rythme, un soupçon de fantaisie, de bons caméos, une bande-son underground Eastcoast, des répliques qui font mouche – quoique ça manque de rebondissements tout ça – et surtout un casting de malade.