Malgré l'assignation de la Cour de justice Européenne envoyée à la France pour sa mauvaise gestion de la pollution de l'eau potable par les nitrates, le gouvernement continue à ménager les éleveurs pour éviter d'aggraver leur situation financière.
En France les nitrates sont très largement impliqués dans la pollution de l'eau potable. Ils proviennent à 70 % de l'agriculture, suite à l'épandage de doses massives d'engrais azotés et de lisier (effluents d'élevage). Le reste est issu des rejets des collectivités locales (20 %) et de l'industrie (10 %).
Et il existe aujourd'hui peu de communes qui peuvent afficher dans l'eau du robinet qu'elles délivrent aux habitants un taux de nitrates inférieur au seuil règlementaire, à savoir 50 mg par litre.
A tel point que notre pays a été assigné devant la Cour de Justice de l'Union européenne pour mauvaise application de la directive 91/676/CEE, dite directive " nitrates ". Et cette mauvaise application porte non seulement sur l'insuffisance des délimitations des zones vulnérables, mais aussi sur l'insuffisance des programmes d'actions contre la pollution de l'eau par les nitrates.
Certes, comme viennent de le préciser dans un communiqué, Delphine Batho, ministre de l'Ecologie, et Stéphane Le Foll ministre de l'Agriculture, un renforcement de la réglementation en matière de protection des eaux contre les nitrates d'origine agricole a été engagé en France depuis 2011 et se poursuivra en 2013. Certes le programme d'actions national est entré en vigueur en septembre 2012 et la révision des zones vulnérables s'est achevée en décembre. Mais c'est loin d'être suffisant.
Pourquoi ce retard ? Si le Gouvernement traine des pieds c'est parce qu'il veut ménager les éleveurs. Une application rapide de la directive risquerait en effet de les mettre " sur la paille " alors que beaucoup n'arrivent tout simplement pas à vivre de leur travail. Et ce serait un vrai désastre. Après avoir vu la diversité et la qualité des animaux d'élevage français au Salon de l'Agriculture, on peut se dire que nous avons en France un patrimoine animal exceptionnel.
Adaptations du Plan Nitrates
Alors pour continuer à préserver les éleveurs, petits et gros, Delphine Batho, et Stéphane Le Foll viennent de décider de continuer à autoriser le stockage au champ du fumier compact pailleux pendant 10 mois. Selon eux, " cette mesure permettra pour une grande partie des élevages bovins de ne pas avoir à engager d'investissements supplémentaires pour stocker leurs effluents ".
Nos deux ministres ont décidé aussi de proposer au niveau de la Commission Européenne des mesures d'adaptation du Plan Nitrates " Pour soutenir l'élevage français tout en respectant les exigences environnementales ". Ces mesures portent sur :
- l'évaluation des durées de capacité de stockage de façon agronomique pour tenir compte à la fois des différences géographiques et des différents types d'élevage, et éviter des investissements disproportionnés au regard des impacts pour l'environnement ;
- la mise en place d'une période transitoire pour l'application des nouvelles normes jusqu'en 2016, pour certaines catégories d'effluents (certains types de lisiers, " fumiers mous ") ;
- le relèvement du seuil de pente au-delà duquel l'épandage de fertilisants est interdit avec augmentation systématique en cas de bandes enherbées en bas des parcelles ;
- la délégation de pouvoir de décision au niveau régional concernant les mesures relatives aux cultures intermédiaires piège à nitrates (CIPAN) afin de pouvoir les adapter aux spécificités locales.
" Le dispositif global du Plan Nitrates sera prochainement soumis à l'avis de l'Autorité environnementale puis à la consultation du public. Et l'année 2013 sera consacrée à compléter le programme d'actions national et à élaborer les programmes d'actions régionaux " précisent Delphine Batho et Stéphane Le Foll.
S'il est normal et indispensable que le Gouvernement défende la santé financière des éleveurs, défendre la santé de la population en lui permettant de boire une eau du robinet potable est aussi un devoir fondamental. D'autres mesures de soutien de la filière élevage pourraient être prises, comme on a su le faire pour les banques, au lieu de continuer à tolérer cette pollution.
Hervé de Malières