Johann Heinrich Füssli, Le Cauchemar, 1781 © Bridgeman Art Library
« Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ? Au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau », Charles Baudelaire
Le Musée d’Orsay se pare ces jours-ci de ses plus beaux habits de nuit pour une incursion au cœur du Romantisme noir, mouvement pluridisciplinaire ayant happé nombre d’artistes du XVIIIe au XXe siècle.
A la fin du XVIIIe siècle apparaissent en Angleterre les romans noirs gothiques, qui rencontrent un succès immédiat. Tout en étant situés dans le monde contemporain, ils font la part belle au mystère et aux émotions fortes, capables de faire frissonner le lecteur de peur comme de plaisir, explorant les terreurs de chaque humain pour l’inconnu, mais aussi ses penchants sadiques et grotesques. Le Chateau d’Otrante d’Horace Walpole, Frankenstein de Mary Shelley ou encore The Vampyre de John Polidori posent les bases du genre et inspireront les générations d’artistes à venir.
L
es arts plastiques emboîtent rapidement le pas. Les univers terribles et fantastiques de nombreux peintres, graveurs et sculpteurs de toute l’Europe rivalisent avec ceux des écrivains : Goya et Géricault nous confrontent aux atrocités absurdes des guerres et naufrages de leur temps, Füssli et Delacroix donnent corps aux spectres, sorcières et démons de Milton, Shakespeare et Goethe, tandis que Caspard David Friedrich et Carl Blechen projettent le public dans des paysages énigmatiques et funèbres.C’est sur ce terreau européen extrêmement divers et fécond que se développent les ramifications sombres du Symbolisme à partir des années 1880. Egdar Allan Poe, Victor Hugo, Charles Baudelaire, James Ensor, Félicien Rops ou encore Alfred Kubin raniment de plus belle les hordes de sorcières, squelettes ricanants, démons informes, Satans lubriques, magiciennes fatales… qui traduisent un désenchantement provocant et festif envers le présent.
Lorsqu’au lendemain de la Première guerre mondiale, les surréalistes font de l’inconscient, du rêve et de l’ivresse les fondements de la création artistique, ils parachèvent le triomphe de l’imaginaire sur le principe de réalité. Au même moment, le cinéma s’empare de Frankenstein, de Faust et des autres chefs-d’oeuvre du Romantisme noir pour l’installer définitivement dans l’imaginaire collectif.
A travers quelques 200 oeuvres (peintures, sculptures, gravures mais aussi photographies et extraits de films), le Musée d’Orsay déploie toute l’étendue de ce sujet passionnant, tout en donnant au visiteur des clés pour comprendre les sources littéraires et artistiques de l’univers de la fantaisie noire qui continue d’imprégner nombre de films, de jeux vidéo et de créations plastiques et musicales de notre temps.
Photos Fanny G. & Javel © Roughdreams.fr
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L’ange du bizarre. Le romantisme noir de Goya à Max Ernst
Du 5 mars au 9 juin 2013
au Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur
75007 Paris