Eran Riklis, réalisateur israélien, sort à 59 ans son onzième film, Zaytoun. Quatre ans après le triomphe des Citronniers, le film qui l’a révélé et dans lequel il dressait le portrait de Salma, habitante d’un petit village palestinien de Cisjordanie situé sur la Ligne verte qui sépare Israël des territoires occupés. C’est avec un nouvel arbre – Zaytoun signifiant olivier – que Riklis tente de peindre la situation politique mais surtout humaine de son pays, dont la carte diverge selon les yeux qui la regardent.
Un road movie improbable
Zaytoun, c’est l’histoire d’une relation improbable. Celle d’un jeune Palestinien de 12 ans, Fahed (Abdallah El Akal) réfugié dans le camp de Chatila au Liban et d’un pilote de chasse israélien, Yoni Stephen Dorff. En 1982, l’avion de Yoni est abattu au-dessus d’une Beyrouth à feu et à sang. Capturé par l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP), il est surveillé par quelques gamins formés par leur apprentissage quotidien du terrorisme et du maniement des armes. Fahed est le plus zélé d’entre eux et pour cause, il vient de perdre son père, tué des mains israéliennes. C’est pourtant grâce à lui qu’il parviendra à s’échapper puisque Fahed décide de partir sur les terres de son père et de planter son Zaytoun. Débute un road movie sincère, à travers les terres du Proche-Orient. Méfiants au départ, les deux personnages se lieront peu à peu d’amitié au cours de leur traversée du Liban, pays ravagé par la guerre. La poésie du film est exaltée quand le jeune palestinien guide le pilote juif vers la maison en ruines des siens, où poussera désormais un olivier. Cette amitié improbable, portée à l’écran par Eran Riklis, constitue un véritable message de paix.
« Zaytoun, sur le chemin de la paix », est l’histoire d’une rencontre insolite entre un jeune Palestinien et un soldat israélien, réalisé par le talentueux Israélien Eran Riklis («Les Citronniers»). Une fiction, par définition utopique, mais sincère, et porteuse d’espoir.
Mise en scène d’une réalité
Riklis fait de son film un hymne à l’espoir, laissant échapper quelques invraisemblances s’éloignant d’une réalité moins utopique parfois. Lorsque Yoni promet à l’enfant de « venir le voir », il semble qu’il a oublié les circonstances de sa première visite et l’accueil qui risque de lui être réservé, dans le camp même où doit se produire quelques mois plus tard le massacre de Sabra et Chatila. Le Liban, qui constitue le théâtre des affrontements et la scène principale du film, n’est qu’un fond pour la trame. Seuls quelques détails sur la situation du Liban de l’année 1982 sont mentionnés et le pays semble uniquement servir la rencontre constituant l’intrigue du film. Pourtant il met en scène une réalité : celle d’un conflit multinational et multiconfessionnel. Cette année-là, la guerre civile Libanaise est à son apogée. Elle oppose principalement les réfugiés palestiniens et membres de l’OLP qui tirent sur les villes israéliennes depuis Beyrouth. Au sein même du pays du Cèdre sont opposés les milices chrétiennes et les organisations pro-syriennes qui soutiennent le combat palestinien. De son côté, l’armée israélienne réprime violemment les camps palestiniens refusant de se rendre. Le refus de l’OLP de quitter Beyrouth fait durer les combats jusqu’en septembre 1982. Bachir Gemayel, chef des milices chrétiennes, alors allié des israéliens prêts à s’engager dans une paix avec l’État d’Israël, se fait assassiner par un militant du Parti social nationaliste Syrien, ce qui engendrera le massacre de Sabra et Chatila, le plus sanglant et le plus controversé du conflit.
L’amitié, gage d’une possible évolution
La situation se résume à des patriotismes respectifs, qui ne tardent pas à s’effacer lorsque vient la confrontation humaine, la relation proche, la découverte de l’autre. Les désirs de victoire perdent de leurs sens lorsque trop grand devient le calice amer de la perte. Fahed, zélé dans ses débuts après la perte successive de son père et de son ami frère, relâche l’aviateur israélien pour accomplir les rêves profonds et véritables des siens. Il lâche les armes pour atteindre l’eldorado de tout un peuple, une symbolique pacifiste, qui démontre les aspects simples de la paix.
Un film français dramatique, sorti le 27 février dernier et qui réunit Stephen Dorff, Alice Taglioni, Loai Nofi, Tarik Kopty et Ashraf Barhom.
Cette relation improbable constitue une allégorie du combat qui oppose Arabes et Juifs en terre de Galilée, depuis maintenant soixante-cinq ans. Un combat qui très certainement aura fatigué ces peuples. Une amitié comme celle entre Yoni et Fahed constitue un symbole pour deux peuples dans leur totalité. S’ils se sont montrés récalcitrants au début et appuyés sur la volonté de leurs chefs respectifs, ces deux hommes, par leurs désirs différents, ont trouvé le moyen de s’entendre en dépit des contradictions et des réalités. D’ailleurs, c’est un tel espoir qui s’éveille dans la conscience de certains. On a vu fleurir sur la toile de nombreux sites qui faisaient entendre la voix d’une population épuisée par l’interminable guerre. C’est le cas de Aline Baldinger, du blog Les Tisseurs de Paix qui persiste à croire à « l’utopie », comme elle l’écrit elle-même, des membres de l’association La Paix Maintenant, mouvement extraparlementaire israélien fondé depuis 1978 mais qui après un déclin regroupe aujourd’hui plus de 10 000 membres, les Anarchists Against the Wall militent quand à eux, depuis quatre ans contre la construction du mur et de la barrière de séparation que le gouvernement israélien a débuté depuis 2003. Ofer Bronchtein, ancien collaborateur du signataire des accords d’Oslo Itzhak Rabbin, s’est vu remettre il y a bientôt un an, un passeport palestinien des mains de Mahmoud Abbas. « Une façon de démontrer qu’il faut œuvrer pour la création d’un État palestinien et que c’est possible. » Si l’actualité sanglante dément ces velléités pacifistes, partagées par un nombre croissant, Eran Riklis garde l’espoir que son pays remontera la pente.
Riklis fait du conflit le thème récurrent de sa filmographie. Ces dernières années ont vu fleurir une multitude de film, mettant en scène la paix israelo-arabe, une paix fantasmée mais sans cesse renouvelée à travers un registre souvent comique, qui se moque de quelques aspects d’une guerre qui n’en finit pas. C’est certainement pour Eran Riklis dont Zaytoun est le onzième film, un moyen d’extérioriser la pression de tout un peuple, par l’art, ajoutant « c’est comme ça le conflit israélo-palestinien rend tout le monde nerveux. Mais pas moi ! »
par Laetitia Kombo