Ne criez pas, ne riez pas, vous êtes en France et c'est la crise.
Suisses populistes ou populaires ?
On a cru que les Suisses, par l'un de ses votes dont ils ont le secret, venaient d'imposer le plafonnement des rémunérations des patrons. En France, forcément, ça rappelle des souvenirs de campagne. Depuis leur paradis fiscal, les Suisses oseraient ce que les socio-traîtres du gouvernement Hollande n'oseraient pas. Certains s'emballent. Lundi 4 mars, les commentaires journalistiques étaient convergents: que les Suisses avaient raison ! Même notre premier ministre se réjouit de cette «excellente expérience démocratique où les Suisses montrent la voie». C'est un signal, on est d'accord.
Mais il suffisait de lire le texte de cette résolution comme l'a fait notre confrère Politeeks. En matière d'encadrement de rémunérations, le texte ne faisait que renforcer le pouvoir des ... assemblées générales. Nul plafonnement législatif à venir. Les actionnaires feront comme bon leur semble.
Quelle belle affaire ! La démarche est logique, on appelle cela "moraliser le capitalisme". En d'autres termes, cela ne change pas grand chose pour nombre de grandes entreprises françaises.
Amnistie ou amnésie ?
Plus incroyable est la saillie de certains contre la loi d'amnistie sociale votée le Sénat. Il faudra encore que cette dernière soit adoptée par l'Assemblée. Pour une fois que la gauche se rassemble au Sénat, on espère ni dérapage ni couac chez les députés. Mais cette loi ne fait pas que des heureux. Jean-Luc Mélenchon tempête contre quelques radicaux qui ont amoindri le texte initial, retirant le bénéfice de cette amnistie aux faucheurs d'OGM ou à certaines actions de RESF. Le soutien socialiste à cette proposition communiste se limite au seul contexte de conflits sociaux. L'argument est simple, et l'amnistie finalement limitée.
« Estimant que l'action collective est "un droit inhérent à toute démocratie", les sénateurs signataires de ce texte, proposent d'amnistier les faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales ou revendicatives ainsi que les faits commis à l'occasion de conflits du travail en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou qu'ils sont susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur.» (source)Manuel Valls est dans son rôle quand il confie son scepticisme. Imaginez le dégât symbolique si le ministre de l'intérieur avait applaudi des deux mains !
Plus étrange est l'argumentaire développé chez quelques libéraux. Dans leur blog hébergé par Fondapol - la Fondation pour l'innovation politique animée par Dominique Reinié - deux d'entre eux s'indignent ainsi de ce qu'ils considèrent comme une atteinte à la libre entreprise:
« La proposition de loi amnistie les infractions passibles de cinq ans de prison maximum, commises entre janvier 2007 et février 2013, dans le cadre de manifestations liées pour l’essentiel aux conflits sociaux. Sont concernés les salariés des secteurs public et privé, qui ne seront pas non plus poursuivis pour avoir refusé de se soumettre à un prélèvement ADN. En revanche, et heureusement, les séquestrations ne sont pas couvertes par l’amnistie. »Quelle horreur ! Les deux auteurs poursuivent l'attaque en s'attardant sur les motivations de la gauche sénatoriale à procéder ainsi. Ils expliquent que les amnisties sont habituellement « réservées aux sorties de crises majeures d’une collectivité, guerres ou révolutions, quand l’impératif du vivre-ensemble impose le devoir d’oubli ». Surtout, ils dérapent dans un curieux parallèle avec le devoir de mémoire de l'esclavage, sous prétexte que Christiane Taubira, garde des Sceaux, soutient ce dernier avec autant d'ardeur que cette amnistie sociale: « Que Christiane Taubira, connue depuis la loi de 2001 sur la traite et l’esclavage pour sa croisade en faveur du « devoir de mémoire », ait soutenu avec son énergie coutumière la proposition de loi d’amnistie, ajoute à la perplexité. A moins que dans les deux cas, la sélectivité du crime commis (la seul traite occidentale) comme du délit absous (la violence syndicale) n’indique la cohérence profonde de la démarche : une cohérence exclusivement politique où la justice, n’est à l’évidence, qu’un instrument du pouvoir. »
Quelle misère du raisonnement ! Comparer un texte amnistiant quelques condamnations pour atteintes aux biens avec la condamnation de l'esclavage...
Dans quel pays vit-on ?
Populaire ou sondagier ?
La cote de popularité de François Hollande en obsèdent certains, surtout à droite. Ils sont trop contents que l'actuel président soit aussi impopulaire que leur ancien monarque. On leur laissera ces commentaires. La présidence d'un pays en période de désastre général n'a rien d'une Nouvelle Star politique. La période est grave et nous savions qu'il fallait boire le calice jusqu'à la lie.
On réclame du président qu'il s'exprime, qu'il se montre, qu'il s'agite comme le faisait son prédécesseur.
Il fallait donc chercher les nouvelles positives. La ministre des droits des femmes avait invité des blogueurs politiques, vendredi dernier, pour les sensibiliser si besoin était à une cause d'actualité. Bientôt, il y aurait cette curieuse journée de la Femme, le 8 mars prochain.
Najat Vallaud-Belkacem voulait donc expliquer qu'un peu plus de la moitié de l'humanité méritait mieux que cette commémoration d'une journée sur 365. « Un 8 mars toute l'année » le slogan était joli, nécessaire, inévitable.
A suivre.