Accéder au statut de superstar ? Du jour au lendemain ? Sans raison ? Tout le monde (ou presque) en rêverait sauf justement le type à qui cela tombe dessus, soit Martin Kazinski (Kad Merad), mec sans histoire, célibataire quarantenaire à la vie monotone, cantonné depuis des lustres au service informatique d’une boîte inconnue. Une « banalité » soudainement adulée par tous et par toutes : un matin comme un autre, voilà qu’il ne peut plus faire un pas dans la rue ou dans le métro sans être traqué par des hordes de fans en folie qui balancent la moindre de ses paroles, chacun de ses gestes, sur Youtube et Dailymotion. Forcément, les médias s’emparent du buzz, son nom se retrouve sur toutes les chaînes télé et toutes les radios, ses photos sur toutes les plateformes médiatiques, à la Une de tous les magazines people. Le pauvre bougre ne sait plus quoi faire, à l’instar du Benigni de Woody Allen dans To Rome with love. Que se passe-t-il ? « Pourquoi?», ne cesse-t-il de clamer désespérément. C’est à ce pourquoi-là que va s’intéresser Xavier Giannoli, passionné par la question de l’imposture (A l’origine) et toujours enclin à insuffler de la tragédie au cœur de la légèreté (Quand j’étais chanteur). Car de cauchemar absurde aux accents comiques, le film se mue très vite en oeuvre à charge contre une société où règnent en maîtres la vacuité et la course à la célébrité. Les icônes glorifiées par le peuple étant le plus souvent le reflet des valeurs de l’époque, l’adoration massive et inexpliquée envers celui qui, par excellence, n’a rien à dire est pour le moins révélatrice de notre temps.
Et, dans Superstar, tout le monde en prend pour son grade. Entre une journaliste vendue (Cécile de France), un producteur vénal (Louis-Do de Lencquesaing), et des anonymes voraces, s’infiltre très vite une critique assez sombre d’un monde en toc, qui tourne à vide, gangréné par ses fantasmes illusoires de gloire et de pouvoir. Cette ère vaine de l’immédiateté et du zapping, dont l’audimat et les billets verts sont la colonne vertébrale, Giannoli la filme avec une emphase dramatique de circonstance et un sens du rythme aiguisé. Finalement, Superstar n’est rien d’autre qu’une géante scénarisation du grotesque, volontairement théâtrale, volontairement inquiétante. Quelque peu rageur, et pour déverser sa haine de l’époque, il s’appuie sur les accords grandiloquents (et magnifiques) du compositeur Mathieu Blanc-Francard, une atmosphère de thriller, et des éclairs de film d’horreur où la star est présentée comme une victime dépossédée d’elle-même, morceau de viande jeté en pâture à des animaux déchaînés. Si Superstar amuse par sa situation, aussi folle qu’originale, le film demeure traversé tout du long par une tristesse monstre. L’univers, désespéré, désespérant, qu’il donne à voir (consumériste via les supermarchés, froid via les salles de réunion, étouffant via les rames de métros) est totalement déshumanisé, vertigineux par son non-sens, effroyable de superficialité. Et comble de l’horreur, le film n’offre pas de réponses. Normal- et c’est le pire- il n’y en a pas.