Les jeux vidéos entrent au MoMa de New York, et pourquoi pas ?

Publié le 04 mars 2013 par Ecribouille @Ecribouille

La sphère culturelle s’est empressée de commenter la nouvelle acquisition du Museum of Mordern Art de New York composé de 14 jeux-vidéos. Diablerie, des jeux-vidéos ? Et dans un des plus grands et des plus renommés musée d’art moderne du monde ? Et oui, c’est ainsi que Sim City ou encore Pac-Man sont exposés au même titre que les tableaux de Vincent Van Gogh.

OpenTTD (sur mon ordinateur)

Arts appliqués et arts-plastiques

Le débat de savoir si les jeux-vidéo peuvent entrer dans la catégorie des productions artistiques ne m’intéresse pas beaucoup. Bien-sûr que c’est de l’art.

Les jeux vidéos sont des produits créatifs conçus dans l’objectif de divertir leurs utilisateurs en utilisant différents moyens. Scénario, personnages, musiques, décor, interaction… Tout est pensé pour que la personne qui joue soit divertie. Et lorsqu’on voit des jeux aussi complexes et riches que Assassin’s Creed ou Bioshock, c’est presque scandaleux de penser qu’un réel travail de créateur et d’auteur n’est pas la source de ces succès.

On n’a pas été choqué outre mesure de l’entrée des jeux-vidéos dans les galeries d’art mais qui sont finalement les mêmes qui vendent des objets de collection du monde du cinéma. Les authentiques toiles numériques, comme disent les autres, sont finalement des reproductions sur toile de travaux issus de la production des jeux.

Certes on reconnaît le talent et la créativité des auteurs qui contribuent à la conception d’univers uniques, pourtant on ne se résout pas à les faire entrer dans le panthéon des musées d’art. Pourtant, je suis persuadée que ceux jeux-vidéos seront très bien accueilli dans des musées comme celui des Arts Décoratifs de Paris. Voilà donc où se trouve le problème, c’est le fait que ces jeux numériques créés pour le simple divertissement de la population soient juchés au même piédestal que des oeuvres à caractère plastique.

La rupture d’une frontière entre arts-plastiques et arts appliqués est une chose bien sensible. Pour ceux à qui cela ne parle pas beaucoup, c’est comme la différence entre la recherche universitaire en mécanique et la production réelle d’un moteur dans un atelier. Il y a un décalage entre la recherche artistique, prototypique, et la production ayant pour enjeu d’être reproduite et distribuée.

Les arts numériques, et notamment l’art vidéo, et même la photographie ont un peu altéré le postulat de Walter Benjamin dans L’Oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique qui consiste à dire qu’un objet reproductible n’est pas une oeuvre d’art. Cette dernière se doit d’être unique. Pour parer cette idée, certains photographes et artistes numériques prennent le parti de produire en série limitée ou encore dans des installations sans lesquelles l’oeuvre ne serait pas complète.

Les arts-plastiques, et surtout en art contemporain, aiment penser l’oeuvre mais également tout l’environnement autour de l’oeuvre qui participent à sa prise de sens et à sa réception par le public. Finalement, voir, admirer, ou consommer une oeuvre d’art de la manière qu’on le souhaite sans que cela n’entache son enjeu, et sans que cela ne soit une manière de la recevoir pensée par l’artiste, dégrade sans doute sa spécificité pour l’empêcher de faire partie des oeuvres d’arts.

Assassin’s Creed Brotherhood


La guerre de 100 ans

Alors la bataille du refus d’accepter les jeux-vidéos dans les arts n’est aucunement une petite guerre de rétrogrades qui ne souhaitent pas voir d’écrans à côté des peintures de Monet au Museum of Modern Art de New York. Elle est le reflet d’une question qu’on se pose depuis des décennies à savoir celle de la frontière – s’il y en a une – entre la création utile et la création plastique qui sans laquelle les arts appliqués ne progresseraient pas.

Ne rejetons pas les jeux-vidéos comme s’il s’agissait d’un art médiocre et sans valeur.
Mais de la même manière, ne jetons pas la pierre aux arts-plastiques qui permettent l’expérimentation des matières et des mediums – y compris les oeuvres numériques – afin de développer d’autres champs possibles pour les créateurs du design et des arts appliqués.

Bioshock

Pong