1) Jeunes filles
Telle la pomme savoureuse,
Rouge au bout même de la branche,
Là-haut, sur la plus haute branche.
Ah ! les cueilleurs l'ont oubliée.
Non, ils ne l'ont pas oubliée,
Ils n'ont pas pu y arriver.
Monte la lune dans son plein,
Les filles autour de l'autel...
Ainsi jadis, d'un pied léger,
Dansaient les filles de la Crète,
Autour d'un autel bien-aimé.
La musique animant la fête,
Et du gazon elles foulaient
Les fleurs à la douceur si fraîche.
Les pois chiches dorés poussaient sur le rivage.
Le sommeil aux yeux noirs est venu sur leurs yeux.
Est devenu froid le coeur des colombes,
Leurs ailes se sont repliées.
2) L’absente
Souvent, dans la lointaine Sardes,
la pensée de la chère Arignota, ô Atthis,
vient nous chercher jusqu'ici, toi et moi.
Au temps où nous vivions ensemble,
tu fus vraiment pour elle une déesse,
et de ton chant elle faisait ses délices.
Maintenant, entre les femmes de Lydie,
elle brille, comme après le coucher du soleil
brille la lune aux rayons roses,
parmi les étoiles qu'elle efface.
Elle répand sa lumière sur les flots marins,
elle éclaire les prés en fleurs.
C'est l'heure où tombent les belles gouttes de rosée,
où renaissent la rose, la délicate angélique
et le parfum du mélilot.
Alors dans ses longues courses errantes,
Arignota se souvient de la douce Atthis,
l'âme lourde de désirs, le cœur gonflé de chagrins.
Et là-bas son appel perçant nous invite à la rejoindre,
et la nuit aux subtiles oreilles
cherche à redire au delà des flots qui nous séparent
ces mots qu'on ne comprend pas,
cette voix mystérieuse..