![OLGA OROZCO - GENÈSE OLGA OROZCO - GENÈSE](http://media.paperblog.fr/i/619/6198821/olga-orozco-genese-L-5ywnm3.jpeg)
Il n’y avait aucun signe sur la peau du temps.
Rien. Ni ce tapis d’hiver soudain qui présage les griffes de l’éclair peut-être jusqu’à [demain.
Ni ces incendies depuis toujours qui annoncent une torche entre les eaux de tout l’avenir.
Ni même le frisson de l’avertissement sous un souffle d’abîme qui débouche sur jamais [ ou sur hier.
Rien. Ni terre promise.
C’était seulement un désert de chaux vive aussi blanche que noire,
un avide fantôme né des pierres pour ronger le rêve millénaire,
la chute vers le dehors qui est le rêve dont rêve les pierres.
Personne. Seulement un écho de pas sans personne qui s’éloignent
et un lit replié sur lui-même en marche vers la fin.
Moi, j’étais là étendue;
moi, avec les yeux ouverts.
J’avais dans chaque main une caverne pour regarder Dieu,
et une traînée de fourmis allait de son ombre jusqu’à mon cœur et ma tête.
Et quelqu’un a brisé tout en haut cette jarre grise où
montaient boire les souvenirs;
ensuite il a brisé le mémorandum d’aveugles serments blessés traîtreusement
et il a détruit les tables de la loi inscrites avec le sang coagulé des histoires mortes.
Quelqu’un a fait un brasier et a jeté un à un les fragments.
Le ciel brûlait dans l’extinction de tous les enfers
et sur la terre s’effaçaient ses traces et ses preuves.
Moi, j’étais suspendue dans un temps de l’expiation
sacrée;
moi j’étais d’un côté très lucide de Dieu;
moi, avec les yeux fermés.
Alors, ils ont prononcé la parole.
Il y eut une clameur de vert paradis qui monte en déchirant la racine de la pierre,
et sa proue céleste a avancé entre la lumière et les ténèbres.
Ils ont ouvert les vannes.
Une houle radiante a comblé le creux de toute l’espérance encore inhabitée,
et les eaux avaient jusqu’en haut cette couleur de miroir dans lequel personne ne s’est [jamais regardé,
et vers le bas un éclat de grotte orageuse qui regarde depuis toujours pour la première
[fois.
Ils ont dévoilé soudain les marées.
Derrière a surgi une terre pour inscrire au feu chaque pas du destin,
pour envelopper en herbe assoiffée la chute et le revers de chaque naissance,
pour enfermer de nouveau dans chaque cœur l’amande du mystère.
Ils ont levé les scellés.
La cage du grand jour a ouvert ses portes au délire du soleil
pourvu que toute nouvelle captivité du temps sera éblouissement dans le regard,
pourvu que chaque nuit tombe avec le voile de la révélation aux pieds de la lune.
Ils ont semé dans les eaux et dans les vents.
Et depuis lors, il y eut une seule ombre submergée en mille ombres,
un seul éclat innommé dans cette lumière d’écailles qui illumine jusqu’à la fin la rampe des rêves.
Et depuis lors, il y eut un bord de plumes allumées depuis le lointain le plus éloigné,
des ailes qui viennent et s’en vont en un vol d’adieu à tous les adieux.
Ils ont insufflé un souffle dans les entrailles de toute l’extension.
Ce fut un effleurement contre l’ultime fond du sang;
ce fut un frémissement d’étamines dans le vertige de l’air;
et l’âme est descendue à la lumineuse terre glaise pour combler la forme semblable à son image,
et la chair s’est élevée comme un chiffre exact,
comme la différence promise entre le début et la fin.
Alors s’accomplirent l’après-midi et le matin
dans le dernier jour des siècles.
Moi, j’étais face à toi;
moi, avec les yeux ouverts sous tes yeux
dans l’aube première de l’oubli.
TEXTE ORIGINAL
GENESIS
No había ningún signo sobre la piel del tiempo.
Nada. Ni ese tapiz de invierno repentino que presagia las
[garras del relámpago quizá hasta mañana.
Tampoco esos incendios desde siempre que anuncian una
[antorcha entre las aguas de todo el porvenir.
Ni siquiera el temblor de la advertencia bajo un soplo de
[abismo que desemboca en nunca o en ayer.
Nada. Ni tierra prometida.
Era sólo un desierto de cal viva tan blanca como negra,
un ávido fantasma nacido de las piedras para roer el sueño
[milenario,
la caída hacia afuera que es el sueño con que sueñan las
[piedras.
Nadie. Sólo un eco de pasos sin nadie que se alejan
y un lecho ensimismado en marcha hacia el final.
Yo estaba allí tendida;
yo, con los ojos abiertos.
Tenía en cada mano una caverna para mirar a Dios,
y un reguero de hormigas iba desde su sombra hasta mi
[corazón y mi cabeza.
Y alguien rompió en lo alto esa tinaja gris donde subían a
[beber los recuerdos;
después rompió el prontuario de ciegos juramentos heridos
[a traición
y destrozó las tablas de la ley inscritas con la sangre
[coagulada de las historias muertas.
Alguien hizo una hoguera y arrojó uno por uno los fragmentos.
El cielo estaba ardiendo en la extinción de todos los infiernos
y en la tierra se borraban sus huellas y sus pruebas.
Yo estaba suspendida en algún tiempo de la expiación
sagrada;
yo estaba en algún lado muy lúcido de Dios;
yo, con los ojos cerrados.
Entonces pronunciaron la palabra.
Hubo un clamor de verde paraíso que asciende desgarrando
[la raíz de la piedra,
y su proa celeste avanzó entre la luz y las tinieblas.
Abrieron las compuertas.
Un oleaje radiante colmó el cuenco de toda la esperanza aún
[deshabitada,
y las aguas tenían hacia arriba ese color de espejo
[en el que nadie se ha mirado jamás,
y hacia abajo un fulgor de gruta tormentosa que mira desde
[siempre por primera vez.
Descorrieron de pronto las mareas.
Detrás surgió una tierra para inscribir en fuego cada pisada
[del destino,
para envolver en hierba sedienta la caída y el reverso de cada
[nacimiento,
para encerrar de nuevo en cada corazón la almendra del
[misterio.
Levantaron los sellos.
La jaula del gran día abrió sus puertas al delirio del sol
con tal que todo nuevo cautiverio del tiempo fuera
[deslumbramiento en la mirada,
con tal que toda noche cayera con el velo de la revelación a
[los pies de la luna.
Sembraron en las aguas y en los vientos.
Y desde ese momento hubo una sola sombra sumergida en
[mil sombras,
un solo resplandor innominado en esa luz de escamas que
[ilumina hasta el fin la rampa de los sueños.
Y desde ese momento hubo un borde de plumas
[encendidas desde la más remota lejanía,
unas alas que vienen y se van en un vuelo de adiós a todos
[los adioses.
Infundieron un soplo en las entrañas de toda la extensión.
Fue un roce contra el último fondo de la sangre;
fue un estremecimiento de estambres en el vértigo del aire;
y el alma descendió al barro luminoso para colmar la forma
[semejante a su imagen,
y la carne se alzó como una cifra exacta,
como la diferencia prometida entre el principio y el final.
Entonces se cumplieron la tarde y la mañana
en el último día de los siglos.
Yo estaba frente a ti;
yo, con los ojos abiertos debajo de tus ojos
en el alba primera del olvido.