« Au contraire de ce qui se passe dans la plupart des champs d'activité, on peut tenir la rubrique des livres dans un journal sans être doté d'une culture littéraire minimale, ni même maîtriser la langue écrite; tout ce qu'on exige de vous, c'est de ne pas mécontenter les éditeurs en faisant de la « mauvaise critique ». Si par hasard par hasard on a engagé un chroniqueur cultivé qui se risque à faire preuve de sens critique, le milieu du livre ne tardera pas à réclamer sa tête et à l'obtenir. [...] Les médias l'ont bien compris qui ont tendance à recruter de gentilles personnes agissant comme intermédiaires entre les producteurs culturels et la clientèle; ils choisissent la plupart du temps d'assez jolies jeunes femmes douées pour les relations publiques. On n'a que faire des mauvais coucheurs, qualifiés ou pas. »Texte daté du 16 janvier 1994. Vingt ans plus tard, ce triste constat est encore vrai, mais vise désormais l'ensemble des médias. J'irais même jusqu'à dire qu'il vise tous les secteurs de la culture où, plus que jamais, l'habit, en l'espèce le joli minois, fait le moine, ou plutôt, la notoriété fait le juge : un charmant pipole fait toujours plus d'audience.
Il y a toujours eu des « coucheurs » bons ou mauvais, la pratique de l'horizontale assurant l'avancement sur la verticale professionnelle. La correction voudrait aujourd'hui que l'auteur écrivît « coucheurs, (euses) ».
André Major, L'esprit vagabond, Boréal, 2007.