Citation : « La question des retraites est bien plus qu’une simple problématique financière à court terme. C’est un sujet transversal d’une très grande importance au regard de l’avenir de notre protection sociale. »
La situation des retraites en France est sans conteste complexe. Les régimes de base présentent un sérieux déséquilibre – de l’ordre de 21 milliards d’euros à l’horizon 2017 selon les estimations du dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) – alors que la réforme Fillon prévoyait un retour à l'équilibre dès 2018. Malgré sa brutalité, notamment du fait de l'augmentation rapide de l'âge du départ à taux plein, et même si une partie du résultat est imputable aux effets de la crise, cet engagement n’est aujourd’hui plus d’actualité.
Certains en profitent pour sonner le glas du système par répartition. Rien n'est plus injustifié. Comme le montrent les dernières projections du COR, le système peut retrouver son équilibre, à mesure que les classes moins nombreuses prennent leur retraite. Mais cela se fera sur le long terme, après une période difficile, après avoir passé la fameuse « bosse démographique. »
Le double objectif est donc de viser un retour à l'équilibre à brève échéance et d’inscrire la réflexion dans la durée. Les récentes études d’opinion montrent bien que les Français comprennent parfaitement la situation. Pour autant, aucune réforme n'est simple et ne peut être spontanément bien accueillie par l’ensemble des parties. Il faut, pour y parvenir, opter pour le dialogue et faire preuve de pédagogie et de clarté. Dans cette optique, il est à espérer que les négociations déjà engagées par les partenaires sociaux sur l’avenir des régimes complémentaires déboucheront favorablement début mars.
Ainsi, sur la base des propositions et scénarios présentés par un groupe d'experts dans le courant du printemps, un dialogue sera amorcé au niveau national. Dans le cadre de concertations, il s'agira de définir les dispositions qui permettront à la fois de franchir le cap difficile prévu d'ici 2020 et, au regard de l’extrême complexité du système actuel, d'engager une réforme plus profonde, visant à rendre notre système plus juste et plus simple. Il va de soi qu'une approche purement paramétrique ne serait pas suffisante et ne serait pas comprise, tout autant qu'un recul des décisions fragiliserait grandement ce système auquel tous nos compatriotes demeurent attachés.
La réforme des retraites doit s'inscrire dans un vaste champ de réflexion qui englobe tous les enjeux de la protection sociale. Toucher aux seuls paramètres traditionnels (augmentation de la durée de cotisation, allongement de l'âge légal de départ en retraite, etc.) ne paraît pas approprié. Une réforme paramétrique aurait des conséquences directes sur le pouvoir d'achat des retraités et des salariés, sur la compétitivité de nos entreprises, et bien entendu sur l’emploi des jeunes.
Au delà des conséquences possibles d’une réforme, parler de l'avenir de nos régimes de retraite sur la seule base financière n'a pas de sens. Il nous faut évoquer l'employabilité des séniors ainsi que les enjeux de la pénibilité, l’espérance de vie à 65 ans et les inégalités entre les hommes et les femmes. La problématique de la prise en charge du vieillissement de la population doit aussi être abordée, notamment en matière d'accessibilité, d'autonomie des personnes âgées les plus dépendantes et d’accompagnement de la fin de vie. Enfin, l’accès pour tous à une couverture médicale universelle et à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire est un défi majeur.
La question des retraites est bien plus qu’une simple problématique financière à court terme. C’est un sujet transversal d’une très grande importance au regard de l’avenir de notre protection sociale. Le 27 mai prochain, nous fêterons le 70ème anniversaire de la création du Conseil national de la résistance, qui est à l'origine d'une grande partie des acquis sociaux d'après-guerre. Revisiter notre modèle social en adoptant une vision d'ensemble me paraît salutaire. Le monde a changé, de nouvelles inégalités sont apparues, nos modes de vie sont différents, le temps de travail et de formation ne sont plus les mêmes. Redonner corps à notre modèle social et se donner les moyens pour une nouvelle trajectoire à long terme ; tels sont les défis qui s'ouvrent à nous. L'horizon doit rester le même : accorder aux générations futures qui doutent de notre capacité à les accompagner, la même confiance dont nous avons bénéficié.
Version originale: http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/social/retraites/221166485/retraites-methode-3d-diagnostic-dialogue-decision-a-epre
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