Nous-autres nous-mêmes
Ethnographie politique du présent
Alain Bertho
Ed du Croquant, 2008
Qu’est-ce que la mondialisation ? D’abord un changement radical
d’époque, de repères culturels, de façon de penser la vie, le temps,
l’espace, les autres. Changement fascinant : les barrières culturelles
s’effondrent, les métissages se multiplient et s’accélèrent, les flux
d’images, de sons et de discours ouvrent à la mise en partage des
imaginaires de l’humanité toute entière, potentiellement unifiée dans
la diversification infinie de ses mondes subjectifs. Ce changement,
bien souvent, fait peur. Il va vite, trop vite peut-être pour des
femmes et des hommes devenus soudainement comme étrangers à eux-mêmes.
Il porte surtout en lui l’orage : le monde s’est aussi ouvert à la
marchandisation du vivant, à la financiarisation de l’économie et de la
ville, à l’usage généralisé de la guerre comme mode de gouvernement. La
planète elle-même est en danger. Plus que jamais dans son histoire,
l’humanité a aujourd’hui les moyens de s’enrichir de ses différences
pour maîtriser collectivement son destin. Mais le repli frileux sur la
haine de l’autre devient trop souvent le moyen choisi pour conjurer la
peur de son propre devenir, l’angoisse devant l’incertitude de sa
propre identité. Cette ethnographie politique du présent propose
d’essayer de voir clair dans les bouleversements symboliques et
culturels qui nous transforment, de lire notre présent avec le souci
des possibles et non la nostalgie du passé. Car pour Alain Bertho, le
pire danger qui nous menace réside en nous-mêmes, dans la peur de
l’époque et la tentation d’une identité collective assiégée, d’une
fragmentation sociale et politique régressive et agressive. Cette
politique exclusive du nous autres, du ressentiment, de la
frontière, du barbelé, voire du massacre nous livre tous, sans défense,
aux logiques financières prédatrices.