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travail forcé, traite sexuelle des enfants et des femmes: la situation en Côte d'Ivoire

Publié le 03 mars 2013 par Micheltabanou

La Côte d'Ivoire est un pays d'origine, de transit et de destination pour des femmes et des enfants assujettis au travail forcé et à la traite sexuelle. La traite à l'intérieur du pays est plus répandue que la traite transnationale et la majorité des victimes sont des mineurs. Sur le territoire ivoirien, des femmes et des jeunes filles sont essentiellement assujetties au travail forcé comme domestiques et dans des restaurants, ainsi qu'à la prostitution. Les garçons ivoiriens sont soumis au travail forcé à l'intérieur du pays, dans l'agriculture et les services. L'on y trouve également des garçons originaires du Ghana, du Mali, du Burkina Faso, du Bénin et du Togo qui sont forcés à travailler dans l'agriculture, notamment dans les plantations de cacao, de café, d'ananas et de caoutchouc, dans les mines, la menuiserie et le bâtiment. De jeunes filles recrutées au Ghana, au Togo et au Bénin pour travailler comme domestiques et vendeuses de rue sont souvent soumises au travail forcé. Certaines femmes et jeunes filles recrutées au Ghana et au Nigeria pour travailler comme serveuses dans des restaurants et des bars sont par la suite forcées de se prostituer.

Le gouvernement de la Côte d'Ivoire ne se conforme pas pleinement aux normes minimales pour l'élimination de la traite des personnes, mais il déploie des efforts appréciables pour le faire. Pendant la période visée par le rapport, le nouveau gouvernement a continué d'être entravé par des ressources limitées et l'absence de forces de l'ordre et d'un système judiciaire opérationnels, ainsi que par le fait que les responsables des forces de l'ordre et les juges ont une connaissance insuffisante du phénomène de la traite des personnes. En dépit de cette conjoncture, les autorités ont été à même de prendre plusieurs mesures concrètes pour lutter contre la traite des personnes au cours de l'année : condamnation d'un trafiquant présumé ; identification de trois victimes qui ont été secourues ; établissement du Comité Interministériel de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants ; création d'un plan d'action national sur la traite des personnes ; et mise en place du Comité National de Surveillance des actions de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants, sous la supervision de la Première dame. Le gouvernement a affecté également l'équivalent de 206.000 dollars É.-U. pour la construction de deux centres d'accueil d'enfants victimes de la traite.

Recommandations à l'intention de la Côte d'Ivoire : intensifier les efforts déployés pour enquêter sur les délits de traite, poursuivre les auteurs en justice, les faire condamner et les punir, notamment ceux qui exploitent des enfants dans le commerce du sexe ou le travail forcé ; intensifier les efforts pour identifier des cas de travail forcé des enfants dans les plantations de cacao, poursuivre les auteurs en justice et sanctionner ces infractions ; élaborer et promulguer des lois pour criminaliser toutes les formes de traite des adultes, et les utiliser, ainsi que les autres lois existantes, pour poursuivre en justice les trafiquants, plus particulièrement ceux qui exploitent les femmes dans le commerce du sexe et les hommes dans le travail forcé ; former les responsables des forces de l'ordre à suivre les procédures établies pour identifier les victimes potentielles et les orienter vers des services de protection ; et améliorer les initiatives de collecte de données des forces de l'ordre sur les infractions de traite, y compris les cas concernant la traite des adultes qui font l'objet de poursuites aux termes de textes distincts du Code pénal, et mettre ces données à la disposition d'autres organes du gouvernement et du grand public.

Poursuites judiciaires

Le gouvernement de la Côte d'Ivoire a accompli certains progrès dans ses efforts pour veiller à l'application de la législation de lutte contre la traite au cours de la période visée par le rapport. En septembre 2010, avant la guerre civile, le gouvernement a adopté la Loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants, la première qui prévoit spécifiquement des sanctions pour ces délits. Elle fixe les sanctions pour l'exploitation et l'offre d'enfants à des fins de prostitution à cinq à 20 ans d'emprisonnement assorties d'une amende ; ces sanctions sont suffisamment sévères mais sans commune mesure avec celles imposées pour d'autres infractions graves telles que le viol. Lorsqu'un enfant est assujetti au travail forcé, ou à des situations assimilables à de la servitude ou de l'esclavage, la loi prévoit une peine de 10 à 20 ans d'emprisonnement assortie d'une amende, des sanctions suffisamment sévères. L'Article 378 du Code pénal interdit le travail forcé des adultes et des enfants, imposant des sanctions suffisamment sévères de un à cinq ans d'emprisonnement, assorties d'une amende s'élevant à l'équivalent de 800 à 2.200 dollars É.-U environ. L'Article 376 criminalise la conclusion d'accords privant une tierce personne de sa liberté et il prévoit une peine de cinq à 10 ans d'emprisonnement assortie d'une amende. Le proxénétisme et l'exploitation des adultes et des enfants à des fins de prostitution par la force, la violence ou la maltraitance sont illégaux aux termes des Articles 335 et 336. En décembre 2011, le Comité consultatif du travail a reçu un projet de décret portant sur la servitude domestique involontaire, qui n'a pas encore été promulgué. Il permettrait de sanctionner les trafiquants et autres individus impliqués dans l'utilisation illégale de travailleurs domestiques mineurs.

Malgré un affaiblissement considérable du système de répression en raison de la guerre civile, au début de l'année 2012 un trafiquant qui avait soumis une jeune fille burkinabé à l'exploitation sexuelle commerciale en Côte d'Ivoire a été condamné. Il a été jugé aux termes du Code pénal ivoirien et condamné à trois ans d'emprisonnement. Il n'a pas été jugé en vertu de la Loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants, car cette dernière n'était pas encore suffisamment connue des magistrats. Le nouveau plan d'action national diffusé au début de l'année 2012 vise à remédier à ce manque de prise de conscience. Les services de police ont continué à rechercher les trafiquants de deux autres jeunes victimes, une Béninoise de 12 ans et une Ivoirienne de 13 ans. Elles ont toutes deux fourni des informations sur leurs trafiquants dans le cadre de l'enquête. La Cellule de lutte contre la traite des personnes de la Police nationale n'a reçu aucune formation en matière de lutte contre la traite pendant la période visée par le rapport ; cependant, les pouvoirs publics lui ont fourni de nouveaux bureaux ainsi que l'équivalent de 1.356 dollars pour mener des enquêtes. Le gouvernement n'a pas indiqué avoir entrepris d'enquêtes sur des fonctionnaires du gouvernement concernant leur complicité dans des actes de traite des personnes, entamé de poursuites judiciaires à leur encontre, ni en avoir sanctionnés.

Protection

Le gouvernement ivoirien a déployé des efforts limités pour assurer la protection des victimes de la traite au cours de l'année dernière. Les forces de l'ordre manquaient toujours de personnel et de formation, et elles n'ont pas employé de procédures systématiques pour identifier de manière proactive des victimes de la traite au sein de groupes vulnérables, bien que trois victimes aient été identifiées en 2011. L'une d'elle a été identifiée par la Direction de la protection de l'enfance, relevant du ministère de la Famille, de la Femme et de l’Enfant, après qu'elle ait demandé de l'aide à des voisins. Ces derniers ont contacté la police locale, qui a placé l'enfant dans une famille d'accueil avant que la Direction de la protection de l'enfance ne l'emmène dans un centre d'accueil et de secours à Abidjan. Elle a depuis été rapatriée au Burkina Faso. Les deux autres victimes de la traite ont été identifiées et secourues par la Sous-direction de la lutte contre le trafic d’enfants et la délinquance juvénile du ministère de l'Intérieur. Les autorités n'ont offert aucune formation spécialisée aux membres des forces de l'ordre et des services d'immigration concernant l'identification et les méthodes adéquates pour mener des entretiens avec des victimes de la traite. En 2011, le président a établi le Comité National de surveillance des actions de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants, qui a commencé à élaborer un projet de plan d'action national sur le travail des enfants et la traite des personnes. Des ONG locales ont géré deux centres d'accueil polyvalents qui ont pris en charge un nombre inconnu de victimes mineures de la traite, ivoiriennes et étrangères. Ces deux centres ont reçu des victimes qui leur avaient été envoyées par les forces de l'ordre. L'État n'avait pas de structure de prise en charge des victimes de la traite étrangères ou ivoiriennes ; néanmoins, il a donné un second souffle aux efforts entrepris par le gouvernement précédent pour construire deux centres d'accueil destinés aux victimes mineures, y compris de la traite, en affectant l'équivalent de 206.000 dollars É.-U. pour leur construction. Le ministère de la Famille, de la Femme et de l’Enfant a élaboré un projet pilote au sein de ce ministère, qui se consacre à la prise en charge des victimes de violences basées sur le genre. Pendant la période visée par le rapport, ce projet a aidé 250 femmes, dont certaines avaient peut-être été victimes de la traite, en dépit du fait que le ministère n'a pas vérifié s'il y en avait parmi les bénéficiaires du programme. Les autorités n'ont ni encouragé les victimes à participer aux enquêtes ou aux poursuites judiciaires à l'encontre de personnes se livrant à la traite des personnes ni dissuadé celles-ci de le faire, bien que les trois victimes secourues cette année aient fourni des informations à l'encontre de leurs trafiquants. Il n'a pas été signalé que des victimes aient été interpellées, verbalisées ou emprisonnées pour des actes illégaux résultant directement de leur condition de victimes de la traite ; toutefois, les pouvoirs publics n'ont pas déployé d'efforts adéquats pour identifier les victimes adultes de la traite, ce qui a peut-être empêché d'en identifier certaines au sein de l'appareil de répression.

Prévention

Le gouvernement de la Côte d'Ivoire a déployé des efforts soutenus en matière de prévention de la traite pendant la période visée par le rapport, essentiellement en menant des campagnes de sensibilisation dans huit villages du pays. Ces programmes abordaient des questions telles que définir ce qu'on entend par la traite des enfants et apprendre à identifier les enfants victimes de la traite. Par l'intermédiaire d'émissions de télévision et de radio, d'ateliers et d'activités de sensibilisation, le ministère de la Justice a voulu informer le public au sujet de la Loi de 2010 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants. Cette campagne de sensibilisation s'est faite, entre autres, par voie d'affiches et de panneaux, d'émissions de radio et de présentations publiques. Le ministère du Travail a dépensé l'équivalent de quelque 20.000 dollars pour des affiches de sensibilisation. Le coût du financement global de la campagne n'a pas été spécifié car les différents ministères ont apporté chacun leur contribution. Ce programme ciblait l'ensemble de la communauté ainsi que les populations vulnérables en communiquant des informations relatives aux pires formes de travail des enfants, aux droits de l'enfant, aux conséquences du travail dans des conditions dangereuses pour la santé de l'enfant, au rôle de la communauté locale dans la lutte contre la traite des personnes et le travail des enfants, ainsi qu'à la procédure nationale de prise en charge des victimes. Le gouvernement a accompli des progrès appréciables pour établir un cadre pour le suivi et la lutte contre la traite des personnes. À l'automne, par l'entremise d'un décret présidentiel, il a établi le Comité interministériel de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants, sous la tutelle du ministère du Travail et appuyé par le ministère de la Famille, de la Femme et de l’Enfant. Le président a également instauré le Comité National de surveillance des actions de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants qui, sous la supervision de la Première dame, est chargé d'assurer la coopération entre les différentes institutions et la poursuite des initiatives gouvernementales en matière de traite des personnes. Ce comité s'est réuni deux fois par mois et a élaboré un projet de plan d'action national contre les pires formes de travail des enfants, qui a vu le jour au début de 2012. Dans le cadre de l'accord bilatéral entre le Mali et la Côte d'Ivoire, les Premières dames de ces deux pays se sont rencontrées en octobre 2011 pour intensifier leurs efforts communs dans la lutte contre la traite des personnes. Le gouvernement ivoirien a affecté à la lutte contre les pires formes de travail des enfants et la traite des enfants l'équivalent de 12 millions de dollars É.-U. pour les trois années à venir. En janvier 2012, le ministère du Travail a signé un arrêté actualisant la liste des travaux dangereux interdits aux enfants. L'État avait 25 inspecteurs spécialisés dans le travail des enfants pendant la période de référence ; toutefois, aucune victime de la traite n'a été identifiée suite à leurs inspections. Des responsables gouvernementaux ont pris part à un cours de formation sur la traite des personnes au centre de formation de Turin (Italie), qui avait été cofinancé par ce centre et le gouvernement de la Côte d'Ivoire.


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