Il est vrai que l’on n’attendait pas grand-chose de l’adaptation d’une bande dessinée comme Boule et Bill sur grand écran. Et pourtant. Alexandre Charlot et Franck Magnier ont plutôt bien réussi leur coup, choisissant d’insuffler des brins de profondeur là où il n’y avait- à la base- qu’un couple lambda, un gamin roux, son chien et sa tortue. Dès lors que la 2C rouge du couple beauf s’engage à l’écran, la magie seventies opère : Marina Foïs et son brushing de l’époque, Frank Dubosc dans son costume de patriarche macho, le chien Bill pendu à une laisse sur les routes de France, tout le beau monde est bizarrement crédible, toute l’intrigue est bizarrement bien montée. On est en 1976, et si le film ne nous épargne rien - couleurs criardes, chansons rétro, vêtements ringards- sa reconstitution n’est jamais outrancière. Plus burlesque qu’has been. Mais, au-delà de l’adoption canine de la famille, qui sert de point de départ au film, Charlot & Magnier s’intéressent surtout à dépeindre la déliquescence d’un couple dans un contexte social intéressant : émancipation de la femme, remise en question du conformisme, exode populaire en banlieue parisienne.
Côté gags, même si certaines redondances (les parenthèses romantico-animalières entre Bill et Caroline) et faiblesses (les épisodes avec le voisin dépressif du dessous) s’invitent trop souvent dans le scénario, les deux réalisateurs réussissent l’essentiel : une œuvre modeste, destinée à la fois aux plus jeunes et aux adultes. Autre point d’intérêt du film : la manière dont il retourne, tout logiquement, à son matériau de base, la BD. Le Boule & Bill de Charlot & Magnier s’affiche alors en prequel aux bulles du belge Jean Roba, un prologue romancé justifiant l’existence-même de ce qui a permis au film d’exister. La fiction s’invite dans le réel. A moins que cela ne soit l’inverse. L’idée n’est pas déplaisante. A la fin, après 1h20 de rires auxquels le duo de cinéastes vient greffer pas mal d’éclairs de mélancolie, Boule & Bill surprend agréablement. Ce n’était pas une immense BD, ce n’est pas du grand cinéma, mais les deux possèdent le (même) charme évanescent du divertissement, ce qui n’est déjà pas si mal.