Séquence 8, les 7 doigts de la main au Casino de Paris (Paris 9)

Publié le 03 mars 2013 par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

En suivant une bonne intuition l’année dernière j’avais découvert la compagnie canadienne les 7 doigts de la main, dans un spectacle étonnant, intitulé PSY, qui articulait ses numéros autour des différentes névroses et troubles psychiques des artistes en présence. Au programme pananoia exprimée dans un numéro de trapèze à couper le souffle, narcoleptique ravissante qui s’endort avec son oreiller en haut du mat chinois et qui en descend vertigineusement, colérique qui se canalise avec du lancer de couteau ou le séducteur nymphomane qui nous entraine dans la spirale hypnotisante de sa roue allemande. Le tout mené dans une alternance de numéros de groupes et de solos sur une bande son magnifique et bien choisie. Un de ces spectacles dont on n’a pas envie qu’il prenne fin et une compagnie à suivre définitivement.

En alerte cette année, quand j’ai reçu la nouvelle de leur nouveau spectacle, Séquence 8, et surtout la certitude d’un enchantement.
Premières minutes et le rythme familier et entrainant de F.U.Y.A du groupe C2C, et dès lors un premier numéro de groupe qui donne le ton.

Notre guide dans le spectacle c’est Colin Davis, il questionne le public, instaure l’interaction, et traduit un mouvement réflexif sur leur présentation, sur eux-mêmes et sur nous. C’est ici le cœur du spectacle, la manière dont nous traduisons notre rapport à autrui, et comment ce dernier nous change.
Les artistes égrènent les numéros solos, tous à couper le souffle, sans exception, parfois même en nous arrachant des cris d’exclamation, ou nous faisant porter nos mains à la bouche comme pour donner plus de force à l’artiste.

C’est le cas du numéro spectaculaire d’Alexandra Royer sur sa barre russe, qui exécute des figures bien maitrisée sous le regard de ses deux porteurs qui épousent ses mouvements, absorbent les à-coups de ses sauts étonnamment hauts.

C’est aussi le cas du numéro de planche coréenne où les deux artistes Maxim Laurin et Ugo Dario effectuent leur figures en impulsant chacun une certaine force à la planche sur laquelle ils sautent. Une force qu’ils partagent et avec laquelle ils composent. On sent l’importance des positions de réception, et l’importance que chacun soit là pour l’autre. Incroyable. On retient aussi son souffle devant le numéro magique de sauts dans des cerceaux, dont certains placés vraiment très haut. Ici aussi tout le public prie pour que les sauts soient réussis et que les cerceaux ne tombent pas.

Le rythme ne diminue jamais, et les numéros de mains-à-main, de jonglages avec des boites à cigares, ou de cerceau aérien nous ravissent. Ils sont toujours bien amenés au terme de numéros de groupe, et où la musique toujours aussi bien sélectionnée, crée aussi l’unité, introduisant la mélodie qui s’autorise aussi des écarts de genres. Le numéro de boites, dont l’exécution laisse simplement bouche bée, est accompagnée d’une ligne musicale qui prendra ensuite la coloration du hip-hop. Toujours guidés par notre guide à l’accent savoureux, nous sourions et rions aussi beaucoup, puisque les numéros théâtralisés et agrémentés d’une bonne dose d’humour, sont tous plus ou moins placés dans un certains contexte. Le jonglage avec les boites est ainsi comparé à l’action d’un écrivain, et la taille des boites varie avec son succès.

Nous sommes surpris sans cesse par les artistes qui nous dévoilent un talent insoupçonné (chant, musique, break-dance présentés avec brio), ou qui usent de facilité pour effectuer une action qui semble anodine (monter en deux temps trois mouvements en haut du mat chinois pour sonner la cloche par exemple), qui déclenchent une musique improbable et qui viennent se mêler au public pour danser, ou qui utilisent des moyens scénographiques peu prévisibles.

C’est une des forces de la compagnie, ne pas utiliser les moyens scénographiques de l’air du temps toujours vus dans les mêmes configurations, mais d’inventer les siens. Ainsi nous voyons l’ensemble des artistes allongés au sol, accompagner les mouvements du trapézistes, et changer de gestes à chaque mouvement qu’il esquisse ; nous suivons des yeux les mouvements de l’acrobate sur son cerceau aérien éclairée par le sillage d’un projecteur que porte un autre artiste (il l’accompagne et la soutient par ce faisceau de lumière) ; ou le sample des bruits effectués par chacun des 8 membres de la troupe pour composer un air qui deviendra la bande son du numéro qui suivra.

 

Et surtout, de bout en bout, on comprend ce rapport indéfectible à l’autre, l’importance de son regard, la dépendance au sens strict que l’on peut avoir avec lui, et l’influence d’une de nos actions. Ce n’est pas uniquement dans la tension que cela se traduit, c’est aussi beaucoup dans la transmission d’une humeur, d’un émerveillement et d’un sourire communicatif. Les artistes ont plaisir à être sur scène, tous ont le sourire, dansent avec allégresse, et nous offrent leur belle énergie.

Une compagnie à voir et à suivre pour ses prochains beaux cadeaux qu’ils nous feront.

A voir :
Séquence 8

Les 7 doigts de la main
Avec : Eric Bates, Ugo Dario, Colin Davis, Devin Henderson, Maxim Laurin, Camille Legris, Tristan Nielsen, et Alexandra Royer
au Casino de Paris
16 rue de Clichy
75009 Paris