L’abbesse et le clergé

Publié le 02 mars 2013 par Tchekfou @Vivien_hoch

Tribune de Jean Dùma

On trouve parfois que certains adoptent ici un ton violent et agressif, voire non respectueux. Sans chercher à se hisser dans les hauteurs ni à  comparer nos faiblesses avec les grandeurs des saints, force est de constater que d’autres, plus anciens, ont eu des discours décapant. Sainte Hildegarde en l’occurrence, femme et abbesse, n’a pas hésité à se promener dans son fief rhénan, et à fustiger le clergé.

Tout y passe dans une étrangère modernité :

  • liberté totale de ton (même si la suite des textes est plus enthousiasmante… comme ici aussi !)
  • le silence clérical et le manque d’ambition dans l’intelligence sainte (voir aujourd’hui la nullité de la catéchèse dans sa globalité),
  • la « pastorale » planifiée par quelque crânes d’oeufs diocésains et paroissiaux et non la mission « au moment opportun »,
  • le repli sur soi (la réunionite cléricale contre le porte-à-porte en HLM), les sujets d’enfants,
  • la pastorale de l’enfouissement, cette Eglise sans prêtre qui est en fait une Eglise sans fidèles, la situation des 2 (soigneusement peu communiquée par les diocèses) étant très exactement la même,
  • le refus de l’accueil d’une réelle diversité des vocations (notamment tel que démontré par le père Zanotti-Sorkine),
  • l’auto-satisfaction permanente et le « tout va bien » comme motto (printemps de l’Eglise etc…), alors que, très objectivement, le message évangélique moderne, plaqué sur les concepts politico-culturels courants, est d’une artificialité totale, en complet décalage avec les attentes profondes des hommes…

Vos langues sont muettes dans la voix qui résonne de la trompette de Dieu, vous qui n’aimez pas l’intelligence sainte…. C’est la justice de Dieu que vous devriez ruminer avec soin en la présentant aux peuples au moment opportun, et non en la leur intimant avec violence. Mais à cause de l’obstination de votre volonté propre, vous le ne faites pas. Vous vous terrez comme des couleuvres nues dans leurs cavernes. Vous vous attardez dans des enfantillages. Que de malignité et de haines, lorsque l’homme ne veut se tourner vers le bien, ni pour Dieu, ni pour les hommes, mais recherche les honneurs sans travail et les récompenses sans effort : Vous êtes aveugles, puisque vos œuvres ne brillent pas devant les hommes du feu de l’Esprit Saint ! Toute la Sagesse que vous avez scrutée dans les Écritures se trouve engloutie dans le puits de votre volonté propre ! Tous ce que vous savez, que vous avez touché et éprouvé, vous l’ensevelissez dans la satisfaction de vos désirs et vous engraissez votre chair comme des enfants qui ne savent pas ce qu’ils font ! Vous devriez être jour mais vous êtes nuit !

Ste Hildegarde de Bingen, Lettre au clergé de Cologne, in opus éponyme, Pierre Dumoulin, EdB, 2012