Le Salon International de l’Agriculture avait, comme chaque année, son pavillon consacré aux formations agricoles de ce secteur. Les jeunes, de plus en plus qualifiés, laissent certains métiers sur le bas-côté.
Dans le hall 4 du Salon International de l’Agriculture, on ne risque pas d’être happé par la foule. Ça ne se bouscule pas devant les stands de formation au secteur agricole. Ceci ne serait cependant pas le signe d’une désaffection de la filière agricole, selon Mathilde, 22 ans, étudiante à l’Esitpa, école d’ingénieurs en agriculture. « Ce n’est pas ici que nous rencontrons le plus d’étudiants intéressés pas les écoles, mais plutôt dans les salons consacrés à l’orientation professionnelle.” Aucune inquiétude, donc. Partis pour cinq ans d’études post-bac, Camille et Joris, en 1ère et 2ème année à l’école AgroParisTech, sont à leur aise. Et le fait d’être « dans la meilleure école d’agronomie », n’y est pas pour rien. AgroParisTech ouvre chaque année son concours à 3000 étudiants, et n’en accepte pas le tiers.
Mariane Dutoit, responsable de la communication sur l’enseignement et la formation à la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), rappelle que le secteur agricole est « le deuxième employeur de France. » Un secteur dont la particularité est la rapidité de l’entrée sur le marché du travail : « 93 % des étudiants qui ont le niveau bac professionnel sont embauchés dans les six mois suivants en CDI ».
Exploitation, viticulture, distribution : les vilains petits secteurs
« 40 à 50 % des exploitants agricoles vont partir à la retraite dans les 5 ans à venir », explique Mariane Dutoit. Un métier pour lequel le bac professionnel suffit pour bénéficier des aides de l’Etat à l’installation de son exploitation, mais qui est « également accessible pour les détenteurs d’un Capa« , niveau de qualification le plus faible, rappelle Gilles Duquet, secrétaire général de l’Association nationale emploi formation en agriculture (Anefa). Si les chiffres de l’Insee dévoilent ainsi une baisse des besoins en agriculteurs salariés, et ouvriers agricoles (2 512 projets de recrutements de moins qu’en 2011), l’employabilité reste très importante.
Mais les étudiants rechignent à s’engager dans cette voie. Ils tournent également le dos à la viticulture, véritable vivier pour l’emploi (87 054 projets de recrutement en 2012, selon le rapport de Pôle emploi) et à la distribution, dont les conditions de travail sont « très contraignantes », souligne Erick Chermette, directeur des Maisons familiales rurales (MFR) du Lot, qui proposent des formations en alternance. Le secteur de l’élevage porcin et bovin qui offre « de bonnes perspectives d’évolution », selon Gilles Duquet, ne trouve pas non plus preneur malgré le nombre d’offres. Une situation qui s’expliquerait, là encore, par les conditions de travail : « les horaires de travail, les astreintes le week-end etc… cela peut faire peur », explique-t-il. En revanche, le rapport de l’Insee montre que la moitié des apprentis en Ile-de-France choisissent le secteur de l’aménagement paysager. La production agricole remporte également un important succès, tout comme les activités de gestion des entreprises et entrepreunariat agricole. « Les métiers de service, conseillers en banque, assurance, centres de gestion et coopératives agricoles sont privilégiés par nos étudiants », explique Guillemette Garry, chargée des relations entreprises et diplômés à l’Esitpa.
“L’image de paysan comme ‘simplet du village’ est encore très ancrée dans les mentalités”
En 2012, 23,5 % des établissement potentiellement recruteurs disaient rencontrer des difficultés d’embauche à cause d’un « déficit d’image de l’entreprise, du secteur ou du métier proposé » (enquête Pôle emploi ). C’est bien cette dévalorisation du secteur qui est aujourd’hui pointée par Mariane Dutoit : « beaucoup de filières agricoles souffrent d’un manque d’attractivité. Il faut qu’elles améliorent cela. Au collège, on envoit les bons élèves en bac général, et les mauvais en bac professionnel. C’est très dévalorisant. L’image de paysan comme ‘simplet du village’ est encore très ancrée dans les mentalités, alors que le métier a évolué rapidement en termes de compétences et de technologies. » Erick Chermette estime quant à lui que ces mentalités « ont évolué », mais que des efforts restent à faire : « l’Education nationale dévalorise sa propre formation professionnelle. » Il cite « les remises de diplômes », durant lesquels « on ne mélange surtout pas bacs généraux et bacs professionnels. » Une illustration de l’Education nationale et ses principes…