Erwan Castex, c’est l’homme qui se cache derrière le fameux DJ Rone. Son deuxième album Tohu bohu sortie en octobre 2012 sur le label lyonnais InFiné a fait un beau ramdam sur la scène électro européenne. Installé à Berlin depuis quelques temps, Erwan était de retour à Paris lors de son live conceptuel au Trianon intitulé Module, l’occasion d’apprendre que parfois l’inspiration ne tient qu’à un Phil !
Salut Erwan, ravie de t’accueillir sur Sojeans ! D’abord on aimerait en savoir un peu plus sur ton univers et celui du Studio Fünf. Dans ce Module que tu viens de présenter, tu mixes tes deux passions l’univers visuel et la musique.
Depuis que j’ai commencé cette petite aventure dans le son, l’image est toujours là. Peut-être parce qu’avant je travaillais dans l’audiovisuel. Quand je fais des morceaux j’ai rapidement envie d’en faire des clips. J’ai plein de potes qui font des vidéos donc c’est plus une histoire d’amitié qu’un truc stratégique, ça s’est fait naturellement. L’évolution de ces projets s’est faite avec Ludo de Studio Fünf qui a fait le clip So so so. Puis on a rencontré Davi et François qui font des super trucs en lumières, en plus c’est un univers auquel je suis complètement étranger. Puis après on s’est dit qu’on allait ajouter le clip Bye bye Macadam de Dimitri Stankowicz Au final ce n’est plus une seule collaboration avec le Studio Fünf, c’est une espèce de gros travail collectif. Et le truc c’est que j’ai l’impression que ce sera constamment un working progress avec de nouvelles choses.
Est-ce qu’on peut écouter ta musique de manière linéaire, comme on regarde un film ?
Oui, dans mes albums et lives, j’aime bien l’idée qu’il y ait une espèce d’histoire, une continuité. Mais paradoxalement, je ne veux pas que ce soit comme une autoroute ! Je veux qu’il y ait du relief, des variations et des surprises. J’aime bien jouer avec de la frustration dans les rythmes, c’est une manière d’être plus proche de la vie. Par exemple, faire un live où c’est juste du bonheur ou un truc hyper dark n’est pas représentatif de la vie, ça doit être un peu plus compliqué. Il faut des moments un petit peu tristes, d’autres plus gai. C’est comme dans un film, pour moi les bons films sont ceux où tu passes par des sensations différentes.
Quels rapports existent-t-ils entre le cinéma et ta musique ?
Ce que je dis souvent c’est que je consomme plus de DVD que de CD. Je regarde beaucoup de films, ce qui est marrant c’est que j’écoute de la musique à travers les films du coup. Je sais pas pourquoi, le son lié à l’image, c’est un truc qui me touche beaucoup. Tu vois, j’adore faire des live sans images mais je trouve que c’est deux fois plus puissants quand il y a une bonne alchimie entre l’image et le son, c’est une autre dimension.
Et ta période de cinéma c’est laquelle ?
Ca n’arrête pas de changer ! C’est-à-dire qu’à un moment donné quand j’étais étudiant en cinéma – tu sais un peu romantique avec l’écharpe autour du cou – j’étais à fond Nouvelle Vague : les classiques quoi ! Je suis encore complètement fan de ces films mais après c’est un peu comme le rapport que tu peux avoir avec tes parents, j’ai eu une espèce de rébellion. J’ai toujours un gros respect pour eux, mais il y a plein d’autres trucs qui m’ont marqué : le cinéma asiatique, comme Old Boy de Park Chan-Wook, j’avais pris une grosse claque en voyant ce film-là. Il y avait aussi des polars asiatiques comme Memories of Murder de Joon-ho Bong. Tous ces films-là me nourrissent mais pas plus que la vie en générale.
Tohu Bohu a été réalisé à Berlin. En quoi cette ville t’a-t-elle inspiré pour cet album ?
Je réalise maintenant que j’ai longtemps fait l’apologie de Berlin. Je continue à adorer cette ville. Mais la nécessité était de bouger de Paris, c’était plus l’idée de se déraciner, de casser ses petites habitudes. C’est assez agréable quand tu arrives dans une ville étrangère ! Que tu comprends pas ce que les gens disent, je trouve ça hyper stimulant ! J’aime bien être un peu perdu parce que du coup je me retrouve dans le son. Pour bosser la musique, à Paris par exemple, j’étais complètement bloqué parce qu’il y avait trop d’interférence, d’échappatoire avec tes amis puis après s’isoler, partir loin des gens – et pour mieux les retrouver après ! – c’est s’isoler pour mieux revenir en société.
Berlin mis à part, qu’est-ce qui t’as influencé dans ce nouvel album ?
Musicalement j’ai plein d’influences ! Mais quand je fais du son je n’y pense pas du tout justement j’essaye de m’en débarrasser parce qu’elles se manifestent de toute manière. C’est l’histoire de la musique, j’adore cette phrase : « L’important ce n’est pas où tu prends les choses mais jusqu’où tu les emmènes ». J’ai l’impression que la vie c’est un peu ça ! Une espèce de relais. Les trois noms qui ont vraiment compté pour moi seraient : Eric Satie, Miles Davis et Aphex Twin.
Concernant la scène berlinoise, quelles différences vois-tu entre la scène électro berlinoise et celle française ?
La vraie différence, je là sens dans les clubs. Le clubbing en France et en Allemagne n’a pas du tout le même sens. C’est un autre rapport à la musique, ce n’est pas mieux, c’est différent. Tu vois le Berghaim est ouvert du vendredi au lundi matin, du coup tu peux passer douze heures là-bas. Parfois en France, j’ai l’impression qu’il y a un côté défouloir. Tu sens que les gens ont eu une grosse semaine de boulot et ils sont « Whoua !! Il faut y aller ! » ça peut être génial – je suis le premier à avoir envie que ça cogne. Mais à Berlin, il n’y a pas ça parce qu’ils ont vachement plus de temps pour profiter de la musique, je sens beaucoup moins d’agressivité. C’est pour ça que je dis que ce n’est pas forcément mieux, je me dis : « Bon, ils sont un peu mou, c’est un truc vachement plus cérébral ».
Quand sais-tu qu’un track est fini ?
Ça c’est le truc le plus dur, c’est hyper facile de commencer un morceau. La grosse difficulté est de terminer un track. C’est pour ça que j’ai mis quatre ans à faire cet album. Je n’avais pas de problèmes d’inspirations, j’avais deux cents morceaux ! Mais je n’arrivais pas à les finir ! Je n’étais jamais satisfait. Parfois, je commençais un morceau et à force de le travailler, je me rendais compte que ça ne ressemblait plus à ce que s’était au début. L’astuce c’est le live, maintenant j’arrive à finir un morceau en me disant que de toute manière il n’est pas figé et je pourrais le réinventer en live.
La grande ourse, ressemble à une cours de récréation, les photos de Timothy Saccenti te représentent dans un univers enfantin. C’est encore un truc de cinéma ou c’est l’effet Peter Pan ? Je me trompe peut-être, mais l’univers Electronica que tu développes semble être dans sa bulle naïve et infantile qu’on n’a pas envie de quitter…
Ba j’espère pas trop que ce soit l’univers Peter Pan ! Alors, c’est clair je me suis piégé tout seul mais c’est vrai qu’il y a d’autres choses en moi que j’essaye de manifester autrement dans ma musique, mais il y a toujours le côté enfantin et je ne sais pas pourquoi… Ces espèces de petites notes qui ressortent toutes seules, je crois que c’est plus… Oui, il y a peut-être un côté enfantin ! C’est-à-dire que quand j’étais petit j’avais des tonnes de bandes dessinées, j’étais insomniaque et je passais mes nuits à lire des BD.
C’étaient quelles BD ?
Et bin, justement si on parle d’influences, c’est peut être ma plus grosse influence ! C’était Philémon. Fred, le dessinateur, faisait Philémon avec un univers hyper coloré, poétique, un peu absurde aussi. Ce sont des choses qui, à mon avis, m’ont marquées d’une certaine manière. Et puis même dans le cinéma, j’aime beaucoup les films de Jacques Tati, ce grand bonhomme tout maigre et un peu maladroit, qui évolue dans un univers hyper rassurant mais en même temps coloré, drôle, ça ce sont des choses qui me touchent. Mais j’insère un peu de noirceur là-dedans.
Parlons mode, puisque tu es très visuel dans tes représentations, attaches-tu de l’importance à tes vêtements ?
Nan je suis nul pour ça ! Enfin si ! J’essaie de faire un peu attention !
Quelle est la pièce de ta garde robe la plus Alexandre Cazac (Boss d’InFiné, NDLR) ?
Hum Alex c’est assez strict en fait, c’est un papa quoi ! Je dirai un petit pull en col V.
La plus berlinoise ?
La moustache !
La plus parisienne ?
La moustache !
La pièce la plus Peter Lorre – ton acteur favori ?
Un chapeau melon.
Dernière question, what’s hot dans ta vie ?
La vie ! C’est super existant pour tout le monde. J’ai eu des grosses phases, tu sais, quand tu t’ennuies dans la vie, quand tu déprimes etc. Même quand on est au bout du rouleau, il y a toujours une petite flamme qui peut te raviver. Ce qui me ravive sont les rencontres avec les gens.
Erwan Castex, is the one who hides himself behind the famous DJ Rone. His second album Tohu bohu launched in october 2012, on InFiné label made a fuss on the European Electro scene. Since few time he lives in Berlin but last time he was come back in Paris for a conceptual live called Module, the chance for us to learn more about a DJ who likes cinéma and comics !
Hi Erwan, nice to host you on Sojeans ! First of all, we want to know more about your world and Studio Fünf’s too. In this Module that you have just done, you mix with your two passions: visual and music. How did you build this audiovisual live?
Since I have started this crazy adventure in electro, the image is still there. Maybe because before I used to work in the audiovisual field. When I realize tracks, I want to make a clip of them very quickly. I have a lot of friends who do videos so it’s much a friendly story than a strategic plan. Everything was made naturally. I did this project with Ludo – Studio Fünf – who also made the clip So so so. Then we meet David and François who do super cool things with the light, which is something I don’t really know! Then we thought to add the clip Bye bye Macadam of Dimitri Stankowicz. At the end, it’s more a collective work. I had the feeling that it will be constantly in working progress with new stuff.
Can we listen your music like in linear way as we watch a movie?
Yeah, in my albums and lives I like the idea that a story was made. But paradoxically, I don’t want that seems like a hightway. I want relief, variations and surprises. I like to play with frustration in beats; it’s a different way to feel closed to the life. For instance, realizing a live where it’s just happiness or something super dark are not representative of the life. It has to be trickier. Some moments have to be sad and other one cheerful. It’s like a good movie, the good one are those where you have different sensations.
What is the relation between cinema and your music?
As I used to say, I consume more DVD than CD. I watch more movies, but funny thing: I listen music through them. I don’t know why the sound is always linked to images; it is something that really touches me. You see, I like to do live without visual thing but I think both mixed is more powerful, it’s another dimension.
What is your favorite cinema period?
I change my mind every time! When I was a student in cinema – you know, in Paris a little bit romantic, with the scarf around the neck – I was thoroughly Nouvelle Vague: the classics one! I am still a fan but after years I have a kind of rebellion against them. I have still a huge respect for them but there are other stuffs which touch me like the Asiatic cinema with Old Boy of Park Chan-Wook and some polar like Memories of Murder of Joon-ho Bong. All these movies inspire me but as the life.
Tohu Bohu, your second album launched in October 2012, has been realized in Berlin. We wanted to know how did this city inspire you?
I realize now that during a long time I made the apology of Berlin. I keep love this city. But the necessity was to move from Paris, it was the idea to uproot, to break my habits. It’s quite pleasant when you arrived in a foreign city! You don’t know what people say; I think it’s really stimulating! I like being lost because I find myself in the sound. To work on my music, for instance in Paris, I was totally locked because there were lots of interference with my friends and then isolate yourself – to better meet them! – it’s isolate yourself to better come back in society.
Berlin aside, what did influence you on this album?
Musically I have got a lot of influences! But when I realize a sound, I don’t think about them because I try to be done with them even if they are manifesting themselves. Besides it is the story of music, I like this sentence: “The important thing is not where you take things but where you take them along”. I feel life like that! A kind of relay. Three names have really influenced me: Eric Satie, Miles Davis and Aphex Twin.
Concerning the Berliner Electro scene, which difference do you see between the Berliner one and the French one?
The real difference is in clubs. Clubbing in France and in Germany has not the same meaning. It’s another relation with the music, it is not better, it is just different. You see the Berghaim club is open from Friday to Monday morning, so you can pass twelve hours in. Sometime in France, I have the feeling that clubs are something to let your hair down. You feel that people had a hard week of work and they are here to relax themselves. And it is cool – I am the first to want that. But in Berlin, there is not this because they have the time to listen the music and enjoy it, I feel less aggressive. It is not better sometime I wonder if it is not a more cerebral thing with them…
When do you know that a track is over?
It is something very difficult, it is really easy to start a track. The big difficulty it to end it that why I take four years to end my first album. I didn’t have inspirations problem, I had about two hundred tracks! But I couldn’t finish them! I was never satisfied. Sometimes, I began a new track and worked on, I realized that at the end it was not what it was at the beginning. The trick is the live, now I can finish my pieces telling to myself that I could reinvent them in live.
La grande ours, looks like a playground, Timothy Saccenti’s photos took you in a child univers. Again, is it something from the cinema or something from the Pete Pan generation? Maybe I am wrong, but you develop an Electronica world, which seems to be in its naïve bull that we don’t want to leave…
I hope it is not the Peter Pan world! So it is clear I trapped myself alone but it is true that there are other things in me that I try to manifest in another manner in my music. But there obviously a child side and I don’t know why… These kind of skinny notes go out, I believe it is more… Yes, there is a child side! That is to say when I was young I had a lot of comics, I was insomniac and I used to pass my nights reading cartoons.
Which comics?
It was – speaking about my influences, this one is may be one of the most important! It was the French on Philémon. Fred, the designer, realized Philémon with a colored universe, poetic and a little bit absurd. These things left a mark on me. And then in cinema, I love Jacques Tati’s movies, the character of a tall man very skinny and clumsy who evaluates in a reassuring world and still funny and colored. These stuffs touch me a lot. But I put also some dark notes in all of that.
Talking about fashion, are you caring of your clothes?
No I am really bad at that! I mean yes! I try to take care a little bit.
What piece of your wardrobe is more looking at Alex Cazac (InFiné’s boss, Ed)?
Hum Alex is more a strict style, like a daddy! I would say a small V-neck sweater.
The more Berliner?
The mustache!
The more Parisian?
The mustache!
The more Peter Lorre – your favorite actor?
A bowler hat.
Last question, what’s hot – existing – in your life?
Life! It is super exiting for everybody. I had big phases, you know, when you are boring in your life, you are depressed etc… Even when you are so depressed there is always a small flame that revive you. What are revive me is meeting people.
Aurélia Gualdo