C’est hier matin que le gouvernement a présenté les grandes lignes de sa feuille de route, concernant le numérique en France. Il est ainsi revenu sur les trois gros points importants selon lui : l’éducation et l’apprentissage du numérique à l’école et dans les entreprises, le très haut débit sur tout le territoire d’ici à dix ans une loi sur la protection des données personnelles.
Le séminaire en question a réuni, à Gennevilliers (près de Paris), le chef du gouvernement, Jean-Mars Ayrault, ainsi qu'une dizaine de ministres dont Fleur Pellerin (Économie numérique), Jérôme Cahuzac (Budget) et Geneviève Fioraso (Enseignement supérieur).
Après que le président de la République François Hollande a annoncé un budget de 20 millions d’euros pour le numérique, c’est donc au tour du Premier ministre de présenter les grandes lignes de l'action à venir de la France, dans ce secteur.
« Le numérique est en train de bouleverser notre vie quotidienne, au travail mais aussi ailleurs. Il représente aujourd'hui un quart de la croissance et de la création d'emplois en France, dans le commerce électronique, l'édition de logiciels, les réseaux ou la production de contenus en ligne ».
Il était donc plus que temps d’agir.
Au contraire de l’ancien président du Conseil national du numérique, Gilles Babinet, qui préconisait il y a quelques jours, de fermer la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), le gouvernement pense plutôt qu’il faut au contraire lui accorder une augmentation de son champ d’action :
« Le gouvernement souhaite notamment renforcer les droits des personnes vis-à-vis des fichiers contenant leurs données personnelles, et accorder une place et des pouvoirs plus importants à la CNIL pour établir un environnement de confiance pour nos concitoyens dans l'utilisation des outils numériques », selon le Premier ministre.
En effet, il est ainsi prévu qu’une loi renforçant la protection des données personnelles des citoyens sur Internet soit soumise au Parlement en 2014 « au plus tard ».
Voici donc les grandes lignes sur lesquelles le gouvernement veut absolument aller pour renforcer la puissance du numérique, et le mettre au cœur des utilisateurs français, aujourd’hui mais également à moyen et long terme.
Ainsi, le gouvernement a présenté sa feuille de route numérique via trois axes principaux, mais également dix-huit mesures et le tout en trente-sept pages.
Education :
Le gouvernement Ayrault prévoit de former, en l’espace de deux ans, 150.000 enseignants à « l’usage pédagogique des technologies de l’information et de la communication » (TIC). Une option « Informatique et Sciences du numérique » apparaîtra dans les programmes des classes de terminale générales et technologiques en 2014.
Un appel à projet de 10 millions d’euros sera ainsi lancé au deuxième trimestre pour développer des outils numériques spécifiques à l’enseignement primaire. Pour l’enseignement supérieur, il est prévu de développer d’ici à 2017 une offre complète de formation en ligne. Baptisée « France Universités Numériques », elle devra couvrir toutes les disciplines.
Un « plan d’action coordonné » devra également davantage les jeunes vers les métiers du numérique, L’objectif est clair : augmenter de 3 000 jeunes par an le nombre de jeunes diplômés dans ce domaine d’ici à l’an 2017. Pour les jeunes moins qualifiés, 2 000 emplois d’avenir seront créés dans les Espaces Publics Numériques.
Entreprises :
Le gouvernement veut reprendre l’idée de Fleur Pellerin au sujet du « quartier numérique », une zone où se concentreront de manière intelligente les entreprises, les laboratoires mais aussi les investisseurs. De tels quartiers numériques seront lancés dans 15 villes, à commencer par Paris d’ici à la fin d’année.
De plus, le gouvernement devrait mobiliser pas moins de 150 millions d’euros d’aides en R&D (Recherche et Développement), dans le cadre des investissements d’avenir, pour développer cinq technologies stratégiques (objets connectés, calcul intensif, cloud computing, big data, sécurité).
Mais le plus important reste sans doute le désir d’accélérer la « numérisation » de l’ensemble de l’économie. Ainsi, le gouvernement va distribuer 300 millions d’euros de prêts bonifiés aux PME pour les inciter à déployer des solutions numériques. Tout en continuant son engagement dans la couverture intégrale du territoire en très haut débit d’ici à 10 ans, via un colossal investissement de 20 milliards d’euros.
Enfin, pour lutter contre le chômage galopant, signalons la création mi-2013 d’une plateforme d’agrégation des offres et des CV des demandeurs d’emplois.
Données personnelles :
Le gouvernement souhaite renforcer la protection des données personnelles dans le cadre d’un projet de loi sur « la protection des droits et libertés numériques » qui sera proposé au parlement « début 2014 au plus tard ». Cette loi sera l’occasion de durcir les règles sur la liberté d’expression afin de « lutter contre la diffusion d’appels à la haine sur l’internet », comme cela s’est produit récemment sur Twitter, avec ces « fameux » messages antisémites et homophobes notamment.
En revanche, pour connaître l’avenir de la Hadopi il faudra attendre la fin du premier trimestre 2013, quand Pierre Lescure livrera ses conclusions de sa mission.
Mais des voix commencent à se faire entendre parmi les politiques, comme celle notamment de Hervé MAUREY, sénateur de l’Eure, pour qui « la promesse de François HOLLANDE ne sera pas tenue ».
Voici en effet la lettre ouverte qu’il a adressée au gouvernement :
Alors que le Gouvernement vient d’annoncer son plan en matière de très haut débit, Hervé MAUREY, sénateur de l’Eure et Vice Président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire constate qu’après « neuf mois d’inaction, le Gouvernement présente une feuille de route pour le moins décevante ».
« Sur aucun des points importants, gouvernance, rééquilibrage de la relation entre les collectivités et les opérateurs, financement, le Gouvernement ne prend les mesures nécessaires à l’atteinte du très haut débit pour tous promis par François HOLLANDE pour 2022 ».
En matière de gouvernance : « si le Gouvernement a réaffirmé, à juste titre, la nécessité de renforcer le rôle central de l’Etat il ne devient pas pourtant acteur du déploiement se contentant de multiplier les structures au niveau local et au niveau national, comme par le passé, l’initiative du déploiement est laissée aux opérateurs».
« Sur le rééquilibrage de la relation entre les opérateurs et les collectivités, si le Gouvernement évoque la contractualisation, il se refuse à ce que le non respect des engagements soit sanctionné, ce qui signifie que cette contractualisation sera sans effet ».
« Sur le financement, le flou le plus total persiste que ce soit sur les montants affectés ou sur la répartition entre les financeurs».
Par ailleurs Hervé MAUREY observe que « si la primauté de la fibre est réaffirmée, la feuille de route distingue l’objectif du très haut débit à dix ans de la couverture par la fibre « à terme » ».
« Enfin la feuille de route n’apporte aucune solution concrète à celles et ceux qui ne bénéficient toujours pas du haut débit » déplore le sénateur rappelant qu’un quart des foyers français ne dispose pas d’une simple connexion de 2Mbts/s.
« Au final, la politique en matière d’aménagement numérique du territoire est tristement révélatrice de la méthode de ce Gouvernement : on critique l’action des prédécesseurs, on repousse les décisions en créant des comités, on ne se donne pas les moyens d’atteindre les objectifs fixés et au final, on avoue qu’ils ne seront pas atteints».
« Les engagements en matière de très haut débit rejoindront bientôt la liste déjà longue des promesses non tenues par le Gouvernement (déficit, emploi etc.) » conclut Hervé MAUREY.