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Interview de François Fillon au journal "Le Monde" daté du 27 février 2013 (texte intégral)

Publié le 26 février 2013 par Sylvainrakotoarison

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Interview de François Fillon au journal "Le Monde" daté du 27 février 2013 (texte intégral)


Vous êtes resté très silencieux depuis la crise de l’UMP. Quelle est votre intime conviction sur le résultat de l’élection du 18 novembre 2012 ? Vous a-t-elle été volée ?
Ma conviction n’a pas changé. Cette élection n’a pas été sincère, ni transparente. La démocratie s’est exercée dans des conditions qui n’étaient pas équitables. Ceci explique que, malgré ma volonté de préserver l’unité de ma famille politique, j’ai été amené à refuser ce résultat et j’ai exigé que de nouvelles élections soient organisées.
Surtout, j’ai obtenu que des changements importants soient apportés aux statuts et aux conditions d’organisation de cette élection et des autres à venir. La commission des statuts y travaille sérieusement.
Les procurations ont été annulées. Mais il y a encore beaucoup de choses à négocier, notamment la création d’une autorité totalement indépendante, qui a cruellement manqué dans cette crise.
Pour autant, je n’ai pas voulu provoquer une scission de ma famille politique. C’est la raison pour laquelle j’ai trouvé un accord avec Jean-François Copé. Nous le mettons en œuvre de façon globalement loyale et avec le souci de ne pas rouvrir les débats de personnes, afin de permettre à l’UMP de jouer pleinement son rôle d’opposant et de retrouver une voix qui a été affaiblie par cette crise.

Pensez-vous toujours que Jean-François Copé adopte un fonctionnement «mafieux» à la tête de l’UMP ?

Je pense que tout le monde a envie de sortir de cette crise. Nous en avons tous mesuré les conséquences à la fois pour le parti et pour les protagonistes, donc je ne doute pas qu’il y ait une volonté commune de ne pas retomber dans les mêmes errements.

Allez-vous jouer le match retour en vous représentant à la présidence de l’UMP, en septembre ?

Ce n’est pas du tout exclu. Je prendrai ma décision avant l’été. Cela dépendra de deux choses: d’abord, si on aboutit à un accord garantissant la transparence du nouveau scrutin qui ne soit pas faussé par l’appareil du parti.
Ensuite, il faudra voir si ma candidature permet de rassembler ou non. Il est hors de question de rejouer le même scénario que l’autre fois. Ce serait désastreux pour notre famille politique et les idées que l’on défend. Je pense que ce n’est pas du tout ce que veulent les militants de l’UMP.

Si vous n’êtes pas candidat à la présidence de l’UMP ni à Paris, ne courez-vous pas le risque d’être éclipsé d’ici à 2016, date de la primaire à droite pour la présidentielle de 2017 ?

Je vois bien tous les risques de cette stratégie, mais quoi qu’il en soit, je veux démontrer qu’on peut faire de la politique autrement, qu’on peut dire la vérité et gagner des élections. Je souhaite également lutter contre le rejet du processus démocratique, de plus en plus fort de la part des citoyens.
J’ai décidé de partir à la rencontre des Français de façon systématique pour écouter leurs attentes, leurs critiques sur mon propre bilan lors du précédent quinquennat. Je veux les convaincre de la nécessité de changements profonds pour éviter le décrochage de notre pays.
Dans un délai de moins de deux ans, je proposerai un projet que je mettrai en débat. Il sera concentré sur quelques réformes fondamentales.

Serez-vous candidat à la primaire de 2016 ?

Je vais tout faire pour l’être, en faisant en sorte que cela soit utile à mon pays.

Pourquoi ne pas annoncer dès maintenant votre candidature ?

L’heure n’est pas à annoncer une candidature, mais à construire un projet, que j’élaborerai évidemment dans l’hypothèse d’une candidature à la primaire de 2016 et dans la perspective de la présidentielle.
Je le dis de cette manière par souci d’humilité, au moment où des Français sont confrontés à des difficultés très sérieuses et ont compris que toutes les promesses de François Hollande ont volé en éclats. Venir leur parler d’une élection qui aura lieu dans quatre ans, c’est un peu incongru. Et en même temps, il faut s’y préparer, donc je m’y prépare.

Diriez-vous, comme Jean-François Copé, que si Nicolas Sarkozy revenait, vous seriez à ses côtés ?

Ce n’est pas une question de personnes mais de projet. On a perdu deux élections coup sur coup: la présidentielle puis les législatives. Cela veut dire que tout est à reconstruire. Nous sommes tous au même niveau et nous avons tous nos preuves à faire. Moi le premier.
Le débat qui doit s’ouvrir aujourd’hui est celui de la construction d’un projet et d’une relation de confiance avec les Français. Si Nicolas Sarkozy s’engageait dans cette voie et réussissait, je le soutiendrais. Mais aujourd’hui, la question n’est pas posée dans ces termes.

Et si c’est vous qui êtes le mieux placé, les autres devront se ranger derrière vous ?

Cela va de soi.

Faut-il ouvrir un droit d’inventaire sur le précédent quinquennat ?

On doit toujours être lucide. Pour ma part, je vais faire le bilan de ma propre action. Nicolas Sarkozy fera son bilan lui-même. Je suis fier des cinq années passées à la tête du gouvernement car je pense que l’on a évité à la France une catastrophe à l’espagnole, à la portugaise ou à la grecque, ainsi qu’une dislocation de la zone euro.
Est-ce à dire pour autant que je n’ai aucun regret, aucun remords ? Evidemment non. Nous avons trop tardé à prendre des mesures radicales en matière de compétitivité. Mais c’est un reproche que je me fais à moi-même tant j’assume la totalité du bilan du quinquennat.
Les mesures que nous avons prises en matière de baisse des charges à la fin du quinquennat, nous aurions sans doute dû les prendre au début. La question du temps de travail, nous aurions dû la trancher…

La campagne présidentielle a été marquée par un tournant droitier. Celle pour la présidence de l’UMP également. Le regrettez-vous ?

Il y a, dans le pays, une aspiration à davantage de justice, à davantage de reconnaissance des mérites et une aspiration à plus d’ordre et de sécurité. C’est incontestable. Ce que nous avons voulu faire pendant la campagne présidentielle, c’est répondre à cette attente.
Certains sont tentés pour y répondre de transgresser le cadre républicain, ou de recourir aux maux qui ont toujours entraîné les pays dans la division et le déclin: la stratégie des boucs émissaires en visant les étrangers, l’Europe ou les chefs d’entreprise. Moi je m’y oppose. J’y suis d’autant plus hostile que je pense qu’il n’y aura pas de redressement national sans rassemblement et sans efforts partagés.

Sur quelles valeurs l’UMP doit-elle se reconstruire ?

Sur des valeurs d’autorité, de responsabilité et de liberté, qui nous ont toujours rassemblés. Le plus important, c’est de dire la vérité aux Français, en partant d’un constat réaliste de la situation pour les entraîner dans la voie du changement.

Que pensez-vous de la politique économique du gouvernement, qui a admis ne pas pouvoir tenir l’engagement de réduire le déficit à 3% en 2013 ?

Le gouvernement de François Hollande a multiplié depuis dix mois les erreurs stratégiques en matière économique, ce qui place la France dans une situation d’impasse. Il ne fallait pas détruire la totalité des instruments que nous avions mis en place.
En arrivant, François Hollande a fait sauter la réforme des charges sociales, il a supprimé pour des raisons dogmatiques les mesures d’économie que nous avions prises sur la dépense publique ou le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, la défiscalisation des heures supplémentaires et maintenant la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires…
Tout cela est balayé, agrémenté d’un discours contre les entrepreneurs et les investisseurs inouï, comme on n’en avait pas entendu depuis bien longtemps.
Le résultat aujourd’hui, c’est que le gouvernement n’a plus de levier pour agir sur la croissance, que ce soit du côté de l’investissement ou de la consommation. Le gouvernement est impuissant et donne le sentiment de ne pas avoir de cap. François Hollande se limite à des habilités tactiques qui ne sont absolument pas à la hauteur des défis que le pays doit relever.
J’ajoute qu’il a durablement isolé la France par une attitude sectaire à l’égard de MmeMerkel en la combattant pour des logiques partisanes. Cela a culminé lors de la décision du conseil des ministres sur le budget européen où, pour la première fois, la Grande-Bretagne a obtenu tout ce qu’elle voulait.
Elle a dicté ses conditions à l’ensemble des pays, y compris à l’Allemagne, qui n’avait plus d’autre choix que de s’allier avec elle, puisque la France refusait toute coopération et tout effort économique. C’est un échec sur toute la ligne.

Par ailleurs, François Hollande a implicitement reporté d’un an sa promesse d’inverser la courbe du chômage en 2013…

C’était une promesse absurde. Comment pouvait-il prétendre que le chômage baisserait en 2013 alors que toutes les décisions qu’il prenait conduisaient à stopper le peu de croissance dont la France pouvait bénéficier? C’était soit de l’amateurisme, soit du cynisme.
Serez-vous candidat aux élections municipales à Paris ?
La réponse est non. Pour une raison simple: je pense que Paris a besoin d’une nouvelle équipe municipale pour dix ans, qui se consacre essentiellement à sa tâche. Paris est une ville en difficulté, qui décroche par rapport aux villes du monde qui vont dominer le XXIesiècle. C’est une ville qui n’est ni populaire ni dynamique après deux mandats de Bertrand Delanoë. Et c’est une ville où beaucoup d’habitants ont vu leurs conditions d’existence se dégrader.
Le défi d’un nouveau projet pour Paris doit être porté par un homme ou une femme qui s’y consacre vraiment, qui a l’intention d’y investir toute son énergie et pendant longtemps.
Je ne veux plus que l’on fasse de la politique comme par le passé, qu’on se serve des élections locales comme d’un marchepied pour les élections nationales. Pour moi, la politique, ce n’est pas une partie de chasse où il faut chaque année arborer un trophée pour prouver sa force.
Je dénonce les comportements qui consistent à servir des seules ambitions personnelles. Les Français sont dans une immense majorité hostiles au cumul des mandats. Il faut en tirer les conséquences et ne pas commencer à vouloir être candidat à toutes les élections comme si elles étaient des barreaux d’échelle à gravir.
Ayant choisi – après mûre réflexion – de préparer les échéances de 2017, je ne serai pas candidat à un autre mandat, quel qu’il soit. Cette franchise, je la dois aux Parisiens et à tous mes amis de la capitale. Durant les municipales, je serai partout à leur côté pour les aider à gagner, mais pas à leur tête.

Allez-vous soutenir Nathalie Kosciusko-Morizet ?

Nathalie Kosciusko-Morizet est une excellente candidature car c’est une femme innovante, qui a la volonté d’apporter des réponses aux questions qui se posent à Paris. Je lui apporterai donc mon soutien et ne ménagerai pas mes efforts pour l’aider à gagner Paris.
Elle a souhaité comme moi qu’il y ait une procédure de désignation à Paris permettant d’élargir le débat au-delà des militants de l’UMP. Je pense que c’est un bon choix, qui devrait d’ailleurs se rapprocher plus de l’idée d’états généraux de l’alternance que de primaire.
La question est autant de choisir une personnalité qu’un projet. J’espère que c’est dans cet état d’esprit que sera organisée la consultation des Parisiens, qui permettra d’apporter à Nathalie Kosciusko-Morizet une dynamique.
François Fillon interviewé par le journal "Le Monde" daté du 27 février 2013 et publié le 26 février 2013.


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