Un livre de Jean-Pascal Dubost a quelque chose d’unique. Il garde en effet
l’apparence d’un livre habituel. Mais une fois dedans, ça n’a rien à voir. L’idée d’inachèvement tend à parfaire
l’illusion du vivant. On est prévenus dès l’avant-dire. Les ensembles
présentés sont des « brouillons continués » pour reprendre
l’expression empruntée à James Sacré, la collection « Reprises » chez
Tarabuste en atteste. Il s’agit de reprendre, repriser, réécrire voire transformer
du tout au tout des pièces déjà publiés ici et là. Je fais du brouillon continué une idée douce de l’humilité : je
travaille à réduire ma vanité. Il y eut un Fatrassier en 2007 chez le même éditeur. Ce Nouveau fatrassier remet en perspective des morceaux d’œuvre
hétéroclites. De par son essence composite, il est difficile d’en tirer une
cohérence évidente. Il n’est qu’à énumérer les divers segments du volume pour
en saisir l’ouverture disparate : corbeaux, sangliers, inventaire
culinaire, belluaire satirique… on ne
saurait faire le tour du recueil. Cependant, si l’on doit tracer une ligne (peu
importe la couleur) qui traverse tout ceci, au-delà du style d’un fin
médiéviste, admirateur de Rabelais, ce serait celle qui fédérerait ces animaux,
à la limite du légendaire, chevauchant les siècles, un peu sauvages et
effrayants, puis le rapport induit à la posture gastronomique, enfin l’angle
rhétorique des bêtes modèles, et l’inclination du lettré vers les figures de
style où bestioles et procédés formels se confondent. Ainsi à propos du
crocodile (autoportrait) …broyant sa
proie d’un coup de satire. Ou bien dans l’ensemble sur les corvidés : …les mots d’abord vivent notre vie. On
se laisse prendre à la manière un peu compassée de dire les choses, dont le
moins qu’on puisse en penser demeure qu’elles se révèlent originales et
surprenantes. Mais derrière cet appareil parfois un peu neurasthénique, gisent
des perles d’humour que nul amoureux de la langue ne voudrait rater.
[Jacques Morin]
Jean-Pascal Dubost, Nouveau Fatrassier,
Tarabuste, 11 €.