« Touche pas à mon sexe » est dernier opus de Gérard Zwang (J.-C. Gawsewitch Editeur, 224 pages, 17,90 €), sous-titré « Pour en finir avec les massacreurs de l'intimité féminine ». Le sous-titre n’a pas ici comme seule utilité de préciser le contenu du livre ; il permet d’éviter toute confusion avec l’opuscule éponyme récemment publié par la très catholique et cathodique Frigide Barjot. Il n’y a en effet rien de commun entre l’érudition teintée d’une touche volontiers polémique qui caractérise l’essai du docteur Zwang et l’indigence intellectuelle de la plaquette de 29 pages écrite par la passionaria des papegots, qui relève du simple coup marketing.
Depuis la sortie en librairie, en 1967, de son ouvrage Le Sexe de la femme (récemment réédité et dont il fut question dans ces colonnes), Gérard Zwang continue, si tant est que le sujet permette cette expression, de creuser son sillon. Touche pas à mon sexe se présente donc comme un vibrant plaidoyer en faveur du sexe féminin pris dans son état naturel et, parallèlement, comme un violent réquisitoire, souvent soutenu par un humour grinçant, contre les phénomènes de mode et les pratique religieuses ou tribales qui viennent s’y attaquer.
L’auteur part d’un constat : « La vulve a ainsi subi, subit plus que toute autre partie du corps humain, et de façon préférentielle, les agressions les plus stupides, mais aussi les plus sauvages et les plus barbares. Et depuis longtemps. Pas loin de deux millénaires. » Au fil des chapitres, Gérard Zwang dénonce en premier lieu les religions qui, au nom de l’idéal ascétique et d’une conception patriarcale de la société, tentent par la superstition et la coercition, de régenter et limiter la fonction érotique en imposant des « systèmes moraux répressifs de la sexualité ». Puis il s’attaque à l’épilation, dont il rend la mode des strings brésiliens en grande partie responsable depuis les années 1980 et dans laquelle il voit le signe d’un néopuritanisme. Mais il mène aussi la charge contre les piercings, les incrustations et même une désodorisation intime, signe d'un hygiénisme forcené.
D’autres modifications du sexe féminin font encore l’objet de son ire, à commencer par les opérations des « réformateurs de vulve », en d'autres termes certains chirurgiens esthétiques (pratiquant notamment la nymphoplastie), lesquels sont accusés de faire fortune en voulant répandre une « morphologie vulvaire stéréotypée ». Sans doute l’auteur se montre-t-il sur ces points très radical, puisqu’il ne prend pas en compte, dans le cas de l’épilation ou des piercings, par exemple, une décision réfléchie de la femme de modifier son corps comme elle l’entend, indépendamment de toute pression sociale ou de tout caprice masculin. En revanche, on ne peut que le suivre lorsqu’il met en lumière la barbarie des mutilations sexuelles.
C’est en effet dans le cinquième chapitre de son livre, consacré à l’excision et à l’infibulation, que Gérard Zwang commence par regretter que l’ablation du clitoris ait été pratiquée en Europe jusqu’à une époque assez récente pour des motifs médicaux dénués de fondement, avant de porter un regard critique sur une psychanalyse freudienne axée sur l’orgasme vaginal à travers, tout particulièrement, les travaux de Marie Bonaparte. Il dénonce ensuite les mutilations dont sont victimes les fillettes sur l’ensemble du continent africain et au sein des diasporas africaines d’Europe – un combat que mène depuis longtemps ce président d’honneur de l’Association contre la mutilation des enfants. Bien que cette pratique n’entre pas dans le champ d’étude de cet essai, l’auteur n’oublie pas d’associer à ces mutilations tribales la circoncision qui aurait sans doute été condamnée si elle n’avait eu cours que dans quelques ethnies, mais qui ne soulève guère de critiques aujourd’hui dans la mesure où elle appartient aux rituels de deux religions monothéistes (sans compter le succès qu’elle rencontre auprès des Evangéliques américains).
Sur ces sujets, Gérard Zwang n’hésite pas à tremper une plume acérée dans un vitriol très peu politiquement correct : « Pour ma part, voilà mille ans que je dis qu’on ne s’arrêtera vraiment de couper les filles que lorsqu’on s’arrêtera de couper les garçons. Mais s’en prendre à la circoncision rituelle est vouloir soulever une montagne. […] Appelé comme expert à certains procès, […] il fallait subir la rengaine des avocats qui faisaient pleurer les foules en évoquant le drame de la déculturation, de la détribalisation. Ces femmes avaient agi "pour le bien" de leur rejetonne, il ne fallait pas emprisonner une bonne mère que quatre autres enfants attendaient à la maison, etc. Combien de temps encore, laïque et républicain (je le suis), faudra-il entendre ces discours imbuvables quoique d’un tiers-mondisme parfaitement et "politiquement correct" ? Ils n’ont jamais rendu aux pauvres gamines leur clitoris perdu. » On devine combien ces propos irritent ceux que l’auteur nomme les « multiculturalistes lévogyres mondains »…
L’essai s’achève sur un chapitre intitulé Les Sept merveilles de la nature des femmes, que l’on pourrait résumer par sa phrase conclusive : « Le sexe de l’homme est un outil, celui de la femme est une œuvre d’art. »
Illustration : Lucio Fontana, Concetto spaziale, 1966, acrylique sur toile.