" L'oeil était noir, perçant. Il voyait tout d'abord ce qui n'allait pas. (...) François Mauriac écrivait de miel auprès de ce qu'il modulait de sa voix blessée"
Dans Histoire de ma vie ( Ed. Gallimard, janvier 2013 - voir chronique d'hier sur notre blog) Françoise Giroud brosse de l'illustre écrivain un portrait pétri d'admiration et ...de terreur : "La dent était dure. A l'entrendre broyer les autres - ceux qu'il aimait, veux-je dire - , je préférais ne pas imaginer de quelle formule il m'habillerait pour l'éternité si par malheur mon nom lui venait aux lèvres."
Une belle invitation - s'il en fallait - pour nous pencher sur la correspondance intime et la publication de lettres inédites à ce jour, patiemment rassemblées par sa bru, Caroline Mauriac, au lendemain du décès de l'écrivain, le 1er septembre 1970.
Récemment décédée, Caroline Mauriac "guidée par une véritable passion pour l'homme et pour l'oeuvre" avait traqué, au départ des lettres conservées par son beau-père le nom de ses correspondants. Partant, elle avait récupéré nombre de lettres qui leur furent adressées. Elle nous offre de la sorte un florilège riche d'un millier de missives, étalées sur une période de 70 ans, de 1898 à 1970, parmi lesquelles les noms de Maurice Barrès, Henri Bergson, Gilbert Cesbron, Albert Camus, le Général de Gaulle, Paul Claudel, Georges Duhamel, Julien Green, Henry de Montherlant, Marcel Proust, Anna de Noailles et Françoise Giroud ..côtoient ceux de la famille, en un monument de style - maîtrisé, tonique, tranchant - et de sincérité.
Nul doute que cet épistolier majeur a inscrit en sa correspondance les clefs d'une personnalité complexe, ambigüe, exigeante,ironique, passionnée, aimante, ...singulièrement attachante, les clefs de son âme, en quelque sorte
AE
François Mauriac, Correspondance intime. Réunie et présentée par Caroline Mauriac, Ed Robert Laffont, coll. Bouquins, 756 pp