On y était – Jason Lytle au Grand Mix

Publié le 28 février 2013 par Hartzine

Jason Lytle, Le Grand Mix, Lille, le 11 février 2013
La reformation : assurément une des plus grandes gangrènes de l’Histoire musicale actuelle. Plus qu’à la mode depuis une bonne dizaine d’années maintenant, nombreux sont ces illustres groupes à avoir succombé à l’appel de la réminiscence de leur gloire passée (et des bons gros cachets par la même occasion). Beaucoup plus animés par l’idée d’aventure sans la peur que par un vrai esprit de création, ces enfants prodigues des temps modernes se satisfont bien souvent de reprendre leurs hymnes passés dans des versions sans inspiration devant des trentenaires conquis d’avance et n’ayant de toute façon pas l’intention de crier au monde leur (éventuelle) déception au regard du prix exorbitant du billet.

Il y a un peu moins d’un an, Grandaddy annonçait son retour sur scène après six années de séparation, quelques dates ciblées autour de festivals de grande envergure sur une courte période estivale. Dieu merci, le break était trop court pour que l’absence de nouvelles compositions vienne gâcher cette fête mélancolique. Et, comme pour démystifier cette courte parenthèse, Jason Lytle, dans la foulée, prit tout le monde à contre-pied en annonçant la sortie de son second album solo, Dept. of Disappearance, trois ans après l’inaugural Yours Truly, The Commuter. À croire que le nouvel ex-leader du groupe de Modesto avait savamment orchestré cette succession d’événements afin de prouver une bonne fois pour toute qu’il était vraiment le « pilote » de ce collectif parmi les plus attachants de ces quinze dernières années.

À l’orée de le découvrir sur scène sous son propre nom, nous pouvions ainsi légitimement craindre d’assister à une prestation de Grandaddy sans… Grandaddy. Inquiétudes rapidement dissipées, c’est au son d’un acoustique et enjoué Now It’s On que le barbu en chef entame sa prestation avec pour seul compagnon un guitariste qui se caractérisera tout au long de ce set par sa discrétion autant que par son efficacité. En effet, via la formation proposée, Jason Lytle choisit délibérément de réinventer ses compositions plutôt que de les singer en grande pompe. Le côté minimaliste et intimiste renforce indéniablement le caractère émotionnel de ce concert dont émanent une fragilité et une fraîcheur particulièrement palpables. Dans cet exercice, les réinterprétations des morceaux de Grandaddy s’avèrent être évidemment son terrain de jeu favori : de I’m On Standby à El Camino in the West, la part belle est faite à Sumday, album dont on sait qu’il tient une place particulière dans le cœur du Californien. Fidèle à la production originale, il jalonne leurs interprétations de gimmicks certes surprenants mais également opportuns permettant d’allier dimension cosmique et esprit ludique. Car l’alchimie parfaite réside en la faculté qui est sienne de conserver cette invitation au voyage qui vous prend aux tripes à chaque vague de nappe synthétique tout en renforçant l’émotivité émanant des différentes mélodies en les humanisant par le biais de sons rappelant les plus attachants jouets musicaux de notre enfance. Au grand jeu des sentiments à fleur de peau, le public attend la mise à nu des pépites jalonnant l’indépassable The Sophtware Slump mais seul Crystal Lake en rappel pointera le bout de son nez comme pour nous rappeler la distance (tout à l’honneur de notre hôte d’un soir) que cette session se veut d’avoir avec celles de l’été dernier. Si les morceaux du dernier opus solo tiennent logiquement le haut de l’affiche (nous retiendrons l’engageant Get Up and Go et surtout le poignant Matterhorn, monument de délicatesse nous offrant un des grands moments de cette soirée), l’agréable surprise prit la forme d’une très humble et juste reprise de Wave of Mutilation rendant en à peine 2 minutes 30 secondes la reformation de la bande à Francis encore plus grotesque et ridicule qu’elle ne le fut.
Parvenant avec maestria à allier minimalisme et beauté, Jason Lytle est ainsi parvenu à se défaire de sa casquette (sic) de leader de Grandaddy pour s’offrir une entrée remarquée dans le cercle fermé des songwriters capables de nous faire chavirer dans cet exercice scénique si périlleux. Tel un Philip Glass période Music in Twelve Parts de notre époque, il réinvente constamment dans la continuité, preuve s’il fallait encore la démontrer que lui a encore légitimement des choses à nous apporter.

Setlist

1. Now It’s On
2. Willow Wand Willow Wand
3. Your Final Setting Sun
4. Yours Truly the Commuters
5. Hangtown
6. Get Up and Go
7. I’m On Standby
8. What Can Be Erased
9. Wave of Mutilation
10. Matterhorn
11. El Camino in the West
12. Young Saints
13. Crystal Lake