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Comment BearingPoint enjolive sa page Wikipédia

Publié le 28 février 2013 par Copeau @Contrepoints

Le cabinet de conseil BearingPoint tente d'améliorer sa réputation sur Internet, avec un singulier manque de finesse, sur Wikipédia en particulier.

Par Paul Vartan.

Comment BearingPoint enjolive sa page Wikipédia

Logo du cabinet BearingPoint

Soigner sa réputation sur Internet ne concerne pas que les particuliers. Les entreprises elles aussi risquent gros à ne pas s'intéresser à ce qui se dit sur elle sur Internet. Mais celles qui s'y intéressent le font parfois avec la main particulièrement lourde.

L'exemple du cabinet de conseil BearingPoint France est à ce titre particulièrement illustratif. Le cabinet et ses salariés se sont livré à un intense travail pour enjoliver sa réputation sur Wikipédia, l'encyclopédie en ligne, ainsi que pour effacer de Google les résultats qui ne le mettaient pas en valeur.

Sur l'encyclopédie Wikipédia, c'est avec régularité que, depuis au moins 5 ans, le cabinet et ses salariés en font la publicité sur différents articles et améliorent ou caviardent l'article du cabinet. Ainsi, dès 2006, une adresse IP du cabinet (57.66.77.4) apporte régulièrement des changements, au point d'être le 2e plus gros contributeur de l'article. Des modifications qui sont toujours faites pour améliorer l'image du cabinet ou en faire la publicité : rajouts innocents de liens dans des articles, publicité, voilée ou pas,  pour le cabinet sur la page de ses concurrents (1, 2 & 3), reprise du discours des plaquettes commerciales, etc. De même, une autre adresse IP du cabinet, plus gros contributeur à l'article, fait disparaître en 2011 l'historique compliqué du cabinet, entre rachats et faillites, pour le remplacer par un contenu tout droit pris encore des plaquettes du cabinet. Après avoir, déjà en 2009, chanté à de nombreuses reprises les louanges du cabinet. Rien ne dit que les changements aient été ordonnés par les dirigeants de BearingPoint, mais ses salariés semblent faire preuve d'un dévouement remarquable...

Dans la même lignée, de l'adresse IP du cabinet est passée une modification pour supprimer une polémique sur Eric Woerth, alors ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Hic, Eric Woerth est aussi un ancien d'Andersen, devenu BearingPoint depuis, et parraine très officiellement des manifestations de BearingPoint.

A partir de 2012, le cabinet tombe complètement le masque et crée un compte utilisateur BearingPoint, avec lequel il poursuit des modifications du même genre. Element qui laisse à penser que la publicité n'était pas uniquement le fait d'admirateurs du cabinet utilisant opportunément un ordinateur sis dans les bureaux de BearingPoint, comme le formulait avec malice Owni.

La publicité sur différents articles de Wikipédia continue à fleurir, pour vanter les mérites de la solution maison Hypercube (articles informatique décisionnelle ou analyse prédictive par exemple) et mettre en valeur les points forts du cabinet sur son article.

Comment BearingPoint enjolive sa page Wikipédia

Quelques modifications faites par le cabinet sur Wikipédia

De l'adresse IP EDF, dont BearingPoint partage les bureaux à la Défense, continuent à être faits des ajouts promotionnels vers le site du cabinet. Quelle surprise...

Des pratiques qui coïncident avec une passe difficile, à masquer pour préserver la réputation de l'entreprise : depuis 2012, le cabinet en France traverse en effet une situation délicate, en particulier à la suite de la perte de contrats publics ou avec EDF, sur lesquels le cabinet reposait très fortement. Le chiffre d'affaires aurait baissé de près de 20% en un an. Surtout, les coûts et donc les prix du cabinet sont élevés par rapport aux autres cabinets, en raison d'un nombre élevé de senior managers, directeurs ou associés. Face à cette situation, le cabinet serre violemment les coûts, en gelant les recrutements, en déménageant, en ayant recours au chômage partiel et aux départs plus ou moins négocies, ou en ne confirmant pas les périodes d'essai.

La Lettre A, une lettre confidentielle, a divulgué l'information, mais, une fois de plus, une bonne âme est là pour empêcher que cela n'apparaisse sur Wikipédia : une mystérieuse Iris2020, qui se dit un étudiant (au masculin...) crée son compte Wikipédia juste pour enlever l'information en novembre 2012. Quelle gentillesse quand même cet étudiant qui vient au hasard enlever uniquement ce passage, uniquement sur cet article... Et le mystérieux contributeur qui aime tant BearingPoint de s'opposer plusieurs fois à l'ajout de l'information, que les autres contributeurs maintiennent malgré tout.

Dans le même temps, c'est aussi sur Google que l'offensive est menée par le cabinet, pour nettoyer de la liste des résultats Google les résultats qui ne le mettent pas en valeur. Selon une source interne au cabinet, jusqu'à 10 000 € auraient été affectés par BearingPoint à l'amélioration de sa visibilité internet, après que des consultants aient attiré l'attention de la direction sur la mauvaise image sur le web du cabinet. Google ne permet pas de voir ce à quoi ressemblait la page de résultats il y a un an, mais aujourd'hui, plus le moindre résultat négatif sur les cinq premières pages de Google, et nous n'avons pas vérifié au delà. Trop beau pour être vrai. Ne comptez pas trouver facilement les articles de blogs ou de presse négatifs, comme celui-ci, celui-ci ou celui-là... Gageons que certains tenteront d'infliger le même sort à notre article. Nous ne manquerons pas de vous en informer si cela arrivait.

BearingPoint ne sera ni le premier ni le dernier à avoir tenté d'enjoliver sa réputation sur Wikipédia. C'est TF1 qui avait été pris la main dans le sac également, par nos confrères d'Owni. Et pour un identifié, combien de manqués ? Toutefois les outils comme WikiScanner permettent de mieux en mieux d'identifier publicitaires et bonimenteurs sur Wikipédia. Saurez-vous en trouver d'autres ?


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