Marcela, Tralala, Tralalaire...

Par Pseudo

Marcela, tu sais j'ai bien failli te maudire. Au début je les écoutais, les autres — qu'est-ce que tu voulais que je fasse ? Et d'abord comment j'aurais su ? Si au moins tu m'avais dit... Ils m'ont mis le papier sous le nez ! « Ça va sortir demain ! Ça va sortir demain ! », ils braillaient. « Mais qu'on bloque cette Messaline! Appelez Valls ! » Ils tremblaient d'effroi. Qu'est-ce que tu prenais ! P..., le mal qu'ils disaient de toi... Une salope ! Tu n'étais qu'une salope ma pauvre. « Ah, la "juriste" ! », ils grinçaient dans leur rictus. « La "chercheuse"!» — ils y mettaient des guillemets... Quelle honte ! Quelle honte tu étais. Et ceux du bas-caniveau qui t'avaient servi la soupe, qu'est-ce qu'ils ont pas pris ceux-là aussi. Les journaleux du Nouvel Obs, le Joffrin-saint-frusquin, le Garcin-tête de nain, ces faces d'emplâtres qui t'ouvraient leurs colonnes comme toi tu avais ouvert tes cuisses. Mais comment pouvait-on ?... Trahir comme ça un homme ! Un homme de cette trempe. Qui t'avait si bien baisée. Comment pouvais-tu ? Tu sortais cet immondice ! Ce tas d'ordures ! Pour du fric, la frime, la gloire, va savoir quoi. Du fric ! Toi et tes journaleux ça pouvait être que ça. Tu étais donc sacrément pute pour te servir de tes fesses comme ça ! Quelle indécence !

Ça se rengorgeait ma pauvre, ça se rengorgeait de partout. Ils m'ont fait douter, mets-toi à ma place. Mais si j'ai douté de toi ! Il fallait la voir, l'autre bourgeoise du HuffPost, comment elle courait porter plainte au tribunal des référés : « C'est l'intimité de mon Mari» elle s'égosillait. « Comment ose-t-elle ? Comment ose-t-elle déballer l'intimité de mon Mari, qui a été le roi du monde ! Je veux qu'on lui cloue le bec, vous m'entendez ! » Les philosophes, les animateurs télé, tous, ils opinaient du chef. Christinangot — la Duras affligée — a fait sa crise : oser rapprocher ta démarche de sa littérature !... Des fronts-bas s'étaient permis ! Qu'est-ce qu'une truie comme toi pouvait bien commettre comme littérature ? Le cul d'Angot : beau ; le cul de Marcela : caca ! Forcément.

Et le roi du monde ! Le Roi du monde in persona Christi, au tribunal... Lourd, massif, grave, visage et œil de plomb. Le "dégoût", il disait, le "dégoût"... Les cheveux gominés en arrière, à la Jean-Noël Guérini. Beau comme Brando. On avait honte pour toi, qu'est-ce que tu veux. Droit, le roi — enfin presque —, flanqué de ses avocats boursouflés, l'honneur dégoulinant de partout, comme du sperme en partouze. Que tu pouvais être sale... Il disait ça bien droit — enfin presque. Les cheveux gominés en arrière... Ça suffisait, tu comprends. Ça suffisait ! On n'était pas aux States ! Basta ça suffisait ! « M. le juge, mon Honneur ! » Son Honneur ! Et sa Femme, et sa Caste... Tu avais tout sali. Sa vie privée. Tu l'avais traité de porc ! Tu lui avais sucé la bite et tu le traitais de porc ! De caniche ! Caniche de sa Femme, la bourgeoise du HuffPoste. Le stupre virait à la zoophilie ! C'était pas Dieu possible, M. le juge, il fallait bien que tu sois une salope quand même !

Je ne pouvais pas les contredire : ils me mettaient le papier sous le nez. Les Femen voulaient te crucifier. Avec leurs petits nichons tremblotant dans la bise. Tu les salissais toutes, sale pute ! Tu salissais toutes les femmes. Comme cette chienne de Nafissatou qui s'était fait payer un million de dollars pour une pipe ! Ça, ça lui était resté en travers de la gorge, à la bourgeoise du HuffPost, une fellation à un million de dollars. Une femme de ménage ! Une négresse ! Mais où allait-on ? Surtout que c'est elle, la bourgeoise, qui l'avait payée la sucette ! Le roi du monde, caniche ou pas, il commençait à lui revenir cher, et sans espoir de retour sur investissement. Alors t'allais pas t'y mettre toi aussi. A te faire du fric sur le dos de ce raté. Avec tes margoulins du Nouvel Obs. Basta ! « M. le juge coupez-leur les vivres ! » — on aurait pu aussi bien lui couper les couilles, au vieux Priape, ç'aurait été plus facile que de lui laver l'honneur... Il aurait plus manqué que la Banon monte à l'assaut, ou sa mère, qui s'était si bien fait monter tout court par le roi du monde, elle, en son temps.

On n'est pas aux States ma petite Marcela : ton éditeur, et toi-même ma pauvre, vous allez cracher vos sous. Comme l'autre a craché sa semence. Et les carabistouilleurs du Nouvel Obs aussi ils vont cracher — ceux-là, reconnaissons-le, il faudra bien qu'ils se mettent un peu de cohérence dans la carabistouille, parce que sermonner comme ils l'avaient fait tous ceux qui la dévoilaient trop, à l'époque, la vie privée du roi du monde, et faire aujourd'hui la caisse de résonnance pour tes aventures... C'est comme le Garcin, on l'a connu moins exalté : glisser ta socio-psychologie des bauges entre la Métamorphose et Truismes... Bon, Truismes, on reste dans le même registre. Mais la Métamorphose... Enfin c'est leur affaire. L'essentiel c'est que tu aies échappé au pilon — je parle de celui de la censure, pas du verrat. Ne rigole pas ! Tu n'es pas passée si loin. Un ex-roi du monde, même dans sa merde, ça peut encore avoir le bras long.


(Crédit photo : photo du haut, Marcela Iacub, © agence Opale (France)