Sa personnalité, son histoire, ses combats, nous laissent sans voix aujourd'hui, tant nous avons admiré l'homme qu'était Stéphane Hessel.
Ainsi, après l'annonce de sa disparition ce mercredi matin les hommages n'ont pas manqués. Politiques, militants, anonymes... tous saluent la mémoire d'un personnage exceptionnel.
PARIS (Reuters)
Stéphane Hessel, l'auteur en 2010 du manifeste "Indignez-vous", dont l'immense succès mondial a inspiré les jeunes "indignés" occidentaux en rupture avec le système établi, est mort dans la nuit de mardi à mercredi à l'âge de 95 ans.
Son décès a provoqué une vive émotion au sein de la classe politique qui a multiplié les réactions. Cinq députés socialistes ont écrit à François Hollande pour lui demander l'organisation d'un hommage national.
Sept personnalités, dont Eva Joly, eurodéputée écologiste, et Julien Bayou, cofondateur de Génération précaire, ont lancé une pétition pour appeler le chef de l'Etat à faire entrer l'ancien résistant au Panthéon.
"Le parcours de Stéphane Hessel fait en effet de lui un grand Républicain, bien au delà des clivages partisans", expliquent-elles sur le site internet du quotidien Libération.
Quelque 200 personnes se sont rassemblées mercredi soir devant les marches de l'opéra Bastille, à Paris, pour rendre hommage à l'intellectuel français à l'appel notamment du mouvement "Les Désobéissants".
"Ce matin j'étais bouleversée, comme si j'avais perdu mon père", a dit à Reuters une militante. "Il a ouvert la voie et maintenant il nous passe le flambeau."
Le court pamphlet de Stéphane Hessel, prônant, soixante-cinq ans après, les valeurs du Conseil national de la Résistance à l'occupation nazie s'est vendu à 4,5 millions d'exemplaires à travers le monde, dont deux millions en langue française.
Cet ancien résistant et diplomate, engagé à gauche, avait soutenu François Hollande lors de la dernière campagne présidentielle.
"Sa capacité d'indignation était sans limite, sauf celle de sa propre vie. Au moment où celle-ci s'achève, il nous laisse une leçon, celle de ne se résigner à aucune injustice", écrit François Hollande dans un communiqué.
Dans son opuscule de 32 pages, vendu 3 euros, l'auteur appelait à une "insurrection pacifique" qui, en ces temps de crise, a provoqué une déferlante mondiale et mêmes des élites du printemps arabe se sont référées à l'ouvrage.
Il dénonçait notamment l'écart croissant entre les très riches et les très pauvres, le traitement fait aux sans-papiers et aux immigrés, ainsi que la dictature des marchés financiers.
Ses prises de position pro-palestiniennes lui ont valu des critiques acerbes d'une partie de la communauté juive l'accusant d'être antisémite.
Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a fait entendre mercredi une voix discordante en dénonçant la "mise au pavois de Stéphane Hessel", qui "fut avant tout un maître à ne pas penser".
"Son grand âge, son sourire, son apparente ingénuité, son indignation focalisée et ses poèmes surannés évoquaient un monde angélique, mais pavaient la route, certainement sans qu'il le voulût lui-même, aux véritables criminels tapis derrière l'enfer des bonnes intentions", écrit son président Richard Prasquier.
"LAISSONS DU TEMPS À HOLLANDE"
Né en 1917 à Berlin, dans une famille d'origine juive convertie au luthéranisme, Stéphane Hessel a été naturalisé français à l'âge de 20 ans. Engagé dans la Résistance, il fut arrêté par la Gestapo en 1941 et déporté au camp de Buchenwald.
Il avait entamé une carrière diplomatique à la Libération comme détaché au secrétariat général de l'ONU (1946-1951) puis participé, au côté de René Cassin, à l'élaboration de la Déclaration universelle des Droits de l'homme.
Stéphane Hessel avait ensuite occupé plusieurs postes de conseiller, notamment au cabinet de Mendès-France (1954-1955) ou, plus tard, au ministère de la Coopération, où il avait tenté sans succès de faire libérer Françoise Claustre, otage au Tchad.
Il avait créé la surprise en présentant une motion au dernier congrès du Parti socialiste en octobre, obtenant 11,9% des suffrages, et récemment confié sur Europe 1 qu'il fallait se montrer "patient" avec François Hollande.
"Ne jugeons pas Hollande sur les trois premiers mois. Il a dit des choses justes, il fait déjà un certain nombre de choses essentielles, utiles, qui vont dans le sens de ses engagements. Laissons-lui le temps", disait-il.
LA MORT ATTENDUE AVEC "GOURMANDISE"
Il y a un an, sur RTL, Stéphane Hessel disait attendre la mort "avec beaucoup de gourmandise".
De nombreuses personnalités socialistes ou de la gauche du PS ont rendu hommage à cet éternel indigné.
Valérie Trierweiler, la compagne du chef de l'Etat, a salué sur son compte Twitter "la vie exceptionnelle de Stéphane Hessel" avant d'expliquer sur RTL qu'il vivait mal le succès d'"Indignez-vous".
"Je veux saluer le combattant des droits de l'Homme, l'un des artisans de la déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 et le militant de la cause des plus démunis, l'homme infatigable dont la capacité d'indignation n'a jamais été altérée", a déclaré le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
Pour Martine Aubry, ancienne dirigeante du PS, "c'était une voix qui réveille, qui bouscule, qui réchauffe. Une voix qui nous manquera terriblement".
"Le succès mondial de son livre 'Indignez-vous' notamment parmi la jeunesse l'avait propulsé au devant de la planète entière, suscitant une irruption démocratique bienvenue", déclare Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste.
Gérard Bon, avec Naomi Thébault et Julien Ponthus (Reuters)