Magazine Culture

Generator Man à Battambang

Publié le 26 février 2013 par Cambodiaexpat @Cambodiaexpat

Panne d’électricité à Battambang. 3 jours. On dit que c’est un coup des Thaïlandais qui ont coupé toute la fourniture dans le nord du Cambodge pour des sombres raisons de prisonniers qui n’auraient pas été libérés à la frontière vers Preah Vihar. N’empêche, 3 jours sans électricité dans la seconde ville du pays, ça fait un peu désordre.

Alors on s’organise et il faut reconnaître que pour cela, les cambodgiens sont les rois de la débrouille. Avec le sourire. Enfin, presque.

Quand il n'y a plus d'électricité, il y a

Quand il n’y a plus d’électricité, il y a « generator man ! »

19h30. Je suis en train de me détendre d’une longue journée de rendez-vous et de marche. Télé allumée que je ne regarde pas (voir l’article sur le sujet ici), ventilateur trop fort, wifi saccadé et lampe de chevet néon. Tout fonctionne normalement donc.

19h32. Je plonge dans la nuit. Plus rien, plus de son, plus d’images, plus d’e-mails, plus de lumière. Et les chiens au dehors qui hurlent après je ne sais quel passant qui cherche son chemin. Je regarde dehors, c’est ambiance couvre-feu.

Je cherche le téléphone, je ne vois pas les touches, et après quelques tentatives aveugles, j’obtiens quelqu’un au rez de chaussée. Je n’avais pas envie de descendre 4 étages. J’aurais dû.

La question qui tue : « euh, il n’y aurait pas un problème d’électricité, je n’ai plus rien dans ma chambre ». Question idiote, évidemment qu’il n’y a plus d’électricité. J’obtiens un enthousiaste « yes yes ok ok, sir, no problem ! ». Le signe qu’il y a un problème.

Je regarde de nouveau dehors et imperturbable, la voisine d’en face s’éclaire devant son garage avec une bougie et fait ses mouvement de taï-chi. Surréaliste.

Je me rhabille pour descendre et rappelle pour savoir s’il pense que ça va durer. Deuxième question idiote, ce soir c’est festival. C’est curieux comme une situation banale peut générer, inconciemment, un stress. J’ai encore du chemin à faire pour atteindre le détachement et l’Illumination de Bouddha.

Je descends de ma petite chambre 405 les 4 étages qui me séparent de l’agitation : tout le monde en bas cherche une solution. En réalité, il cherchent des piles pour la lampe de poche et dans le même temps essaient de trouver la clé de la chambre des clients qui viennent de rentrer et qui s’impatientent (on rêve) – de toute façon, ils ne trouveront pas leur chambre dans le noir sans lampe de poche et ils resteront dans le noir dans leur chambre… Bref, on cherche une solution pour l’immédiat, celui-ci n’étant pas du tout l’électricité.

L’agitation est rythmée par les mobylettes qui passent dans la rue et éclairent quelques secondes de leur phare le hall d’entrée. Ils sont 5 à courir un peu partout. Je demande ce qui se passe. Ils cherchent maintenant la clé du générateur, car la guest-house dispose d’un générateur, mais sans clé pour le faire démarrer.

Je m’assois dans le hall et regarde les ombres ouvrir les tiroirs, déplacer les meubles, le tout dans le noir complet. Idée lumineuse : l’un des employés entre avec sa moto dans le hall et met plein phare et clignotants, moteur en route. L’ambiance tourne au filme burlesque, mais cela commence a sentir sérieusement les.gaz d’échappement d’un moteur mal réglé. J’apprends une chose : « ce n’est pas parce que l’on voit que l’on trouve ». C’est vérifié à l’instant.

Du côté de la rue, dans le noir personne ne s’affole. Une silhouette approche, tirant une charette portant un gros moteur. En silence, il grimpe sur le mât où passent tous les fils électriques du quartier, avec l’aisance d’un campagnard allant chercher des noix de coco au sommet de l’arbre. Il coupe l’un des fils avec un couteau, connecte deux autres fils et redescend. Il met son moteur en route et la lumière revient dans la rangée d’immeubles de la rue. « me, generator man » et il rit.

Deux touristes perdus approchent, ils viennent du Nord de la France, cela se voit aux lampes frontales qu’ils portent fièrement. Ils ont l’air de mineurs perdus, totalement ridicules mais ici, ce n’est pas un problème : c’est le côté pratique qui l’emporte toujours. Ils entrent dans l’hôtel. Elle, avec un accent chti impayable « tu vois chéri, je t’avais dit que l’électricité allait revenir ! ».

Battambang s’est éclairé petit à petit, les moteurs des générateurs de rue étaient bruyants, j’ai mangé avec une lampe de poche à leds sur la table un délicieux lok lak. Les cthis, eux, n’ont pas arrêté de se plaindre du Cambodge, un « pays pauvre où il fait noir ». On ne se refait pas.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Cambodiaexpat 436 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines