" Je suis une femme libre. J'ai été, donc je sais être une femme heureuse. Qu'y a-t-il de plus rare au monde? "
Il peut être délicat de publier, de façon posthume, le récit d'une femme au lendemain de sa tentative de suicide. Surtout quand cette femme revêt l'image forte et mythique du combat, de la réussite, de la célébrité.
Dans sa biographie Françoise ( Ed. Grasset voir chronique sur ce blog), Laure Adler nous avait déjà révélé l'humanité, la vulnérabilité de la célèbre journaliste, co-fondatrice, avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, de L'Express.
Découvrant au gré de ses recherches deux versions d'un manuscrit prétendument disparu, Alix de Saint-André entreprend, avec l'approbation de Caroline Eliacheff, la fille de Françoise, d'en établir l'édition.
" Reconnaissant d'emblée l'ADN de Françoise à chaque phrase, elle est d'accord pour faire un montage de la meilleure version."
Ecrit en 1960, juste après une tentative de suicide, entravée à son plus grand dépit, le témoignage de Françoise Giroud trace le bilan d'une vie - elle a 43 ans et en est au mitan - sans concession ni atermoiements. L'écrivain se veut honnête, lucide, chirurgicale - le lecteur retrouve avec joie son phrasé dense, sobre, nourri de métaphores éloquentes et nettes - ce qui l'amène à se déprécier quelques fois.
"Le journal que l'on m'avait prêté, je l'ai rendu"
En jeu, la relation d'amour - déçu- qui l'unit à JJSS et de travail intensive et fusionnelle qui les lient à L'Express, leur enfant. Françoise en sera brusquement écartée - "Vous avez fait de moi une femme perdue.." - et décidera de se donner la mort.
" Aujourd'hui, j'ai envie de le croire, de croire que Jean-Jacques, mon frère, mon camarade, ne m'a pas jetée du bord. Mais ce jour-là, j'ai compris autrement son regard et ses silences."
Françoise Giroud nous quittait le 19 janvier 2003. Son style n'a pas perdu de sa force, sa parole, de sa vérité
AE
Histoire d'une femme libre, Françoise Giroud, récit, Edition établie par Alix de Saint-André, Ed. Gallimard, janvier 2013, 254 pp, 18,5 €