Quand on a deux enfants ou plus, il faut parfois veiller à ne pas tomber dans l'envie irrésistible de les comparer. Et pourtant, difficile de s'en empêcher : le premier enfant est souvent un repère et nous aide à nous construire dans notre rôle de parent. Quand arrive le suivant, on peut vite être enclin à se caler sur les références acquises avec l'ainé. Grave erreur, évidemment. Peut-être qu'à partir du troisième enfant, ce besoin de comparer n'a plus lieu d'être, mais ça, je ne le saurai jamais.
Comme toute bonne mère (hu, hu), je m'efforce de ne pas établir de liens de comparaison entre mes enfants. Ou, tout du moins, je ne les exprime pas à voix haute ni devant eux, et ils se rapportent souvent à des choses anodines, comme l'âge de la première dent, ou de la première vraie nuit, ou de l'apprentissage de la lecture. En général, ça me traverse l'esprit et puis je passe à autre chose. C'est ce que j'appelle des repères fonctionnels dans mon rôle de mère mais qui n'ont aucun impact sur ma façon de les élever.
Là où je suis plus gênée, c'est lorsque les différences entre enfants viennent interférer, voire perturber notre vie familiale. Et c'est le cas en ce moment avec ce que j'appellerai la cote de popularité de mes enfants, terme que je n'apprécie pas particulièrement mais qui s'impose de lui-même.
Pour le coup, j'ai à la maison deux spécimens diamétralement opposés et de surcroit, je ne m'attendais pas à ce que cela se passe dans ce sens. Car c'est bien Chacha, mon p'tit gars, qui a une cote de popularité largement supérieure à celle de sa soeur.
Régulièrement invité chez les uns et les autres, hautement plébiscité pour les anniversaires au point de faire exploser le budget consacré aux cadeaux pour les copains, Chacha est le petit garçon que tout le monde aime bien. Je ne lui connais pas "d'ennemis", il s'entend avec tout le monde. Il a deux ou trois "meilleurs copains". Il charme les mamans avec sa bouille d'ange, il n'est pas bagarreur et, s'il peut se montrer souvent colérique, il a l'intelligence de ne pas le faire en public mais de réserver cette partie de son tempérament pour sa mère. Je passe donc une grande partie de mon temps à le trimbaler chez ses copains, ce qui n'est pas pour me déplaire car c'est aussi un enfant très accaparant avec moi, doublé d'un moulin à paroles.
Au contraire, Lolotte a une cote de popularité très fluctuante. Dotée d'un caractère bien trempé, elle a une capacité à remettre enfants et adultes à leur place dès que quelque chose lui déplait. Il est certain que son franc-parler doit souvent lui jouer des tours. Quand elle était petite, on me disait souvent que c'était une bonne chose car elle ne se laisserait pas faire dans la vie. En attendant, c'est compliqué pour elle. Elle a une vision très consensuelle de l'amitié : ouverte à tous, jouant souvent le rôle de médiatrice dans les conflits, elle n'arrive cependant pas à nouer des liens plus approfondis avec une copine en particulier. Cela ne la chagrine pas plus que cela au quotidien, mais je sens bien que cela la travaille, car elle m'en parle souvent et passe régulièrement à la trappe quand il y a des invitations chez les unes ou les autres. Elle n'est la meilleur amie de personne, elle est celle que l'on oublie facilement alors que, paradoxalement, elle joue le rôle central de pivot dans son groupe de copines.
Pour compenser, j'essaye moi-même d'inviter les copines à la maison, mais parfois je n'ai pas le temps ou la disponibilité d'esprit et ça, ça la chagrine. Car elle voit bien que son petit frère a une vie sociale bien plus épanouie qu'elle. Nous en discutons régulièrement, nous essayons de lui expliquer qu'elle est parfois trop brutale dans ses paroles ou volubile dans certains actes, que cela peut rebuter certaines personnes, elle comprend mais ne change pas, elle n'y arrive pas, nous dit-elle. Alors nous nous adaptons, nous essayons de faire ce qu'il faut pour qu'elle puisse passer du temps avec ses copines. Pour la dernière petite anecdote en date, elle est invitée chez une copine pendant les vacances, mais pile le jour où elle doit partir chez ses grands-parents. Au départ nous avons refusé car tout était programmé et puis, elle semblait si triste que nous avons concédé 2 heures chez la copine et un départ après. Mais est-ce la solution? Est-ce à nous, adultes, d'intervenir dans ses relations amicales ou, au contraire, faut-il la laisser se construire seule? Je me pose plein de questions sans pouvoir m'empêcher de me rappeler à quel point elle était casse-pied quand elle était petite tandis que son frère suivait partout sans broncher. C'est mal, je sais, c'est mal. Est-ce que je n'ai pas donné plus de chances à son frère parce que, justement, ma grande a essuyé les plâtres avant? Est-ce que j'ai raté quelque chose, et quand?
Tout ce que je souhaite, finalement, c'est qu'elle parvienne un jour à comprendre d'elle-même ce qui pose problème et qu'elle trouve la solution. Car sa tristesse est la mienne aussi.
Crédit photo : we heart it