Il y a toujours une bonne raison de parler de Michael Cimino, le génie précoce et grillé à vie de Hollywood, et la projection d’une version restaurée de La Porte du Paradis en présence du maître et d’Isabelle Huppert en est une comme une autre.
1981
réal : Michael Cimino
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Cimino, c’est l’anti-success story à l’américaine : un talent qui explose à moins de 30 ans mais qui 10 ans plus tard se brûle les ailes en réalisant sa vision de la naissance de l’Amérique. Pour la mettre en oeuvre, il faudra 28 millions de dollars de dépassement de budget, 7 mois de tournage et 200 heures de rushes et la faillite du studio United Artists crée par Chaplin himself.
1978. Soirée des Oscars. Meilleur film et meilleur réalisateur vont à un jeune blanc-bec de 29 ans, Michael Cimino qui filme la violente fin de l’innocence de l’Amérique, soit la guerre du Vietnam qui vient tuer à tout jamais le paisible quotidien d’immigrés d’origine russe en Pennsylvanie. Voyage au bout de l’Enfer, c’est l’Amérique comme un mythe avant le trip hallucinogène Apocalypse Now qui arrive un an plus tard. Chef-d’oeuvre! Opéra en 3 parties: la fête avant le départ, le Vietnam et le retour au pays.
Evidemment, c’est un triomphe, comparable à ce qu’a a été Citizen Kane pour Welles: une perfection prématurée qui vous ouvre toutes les portes non sans danger. Et ce danger pour Cimino a un nom: La Porte du Paradis. Ou un épisode oublié (par qui?) de l’histoire US: des éleveurs du Wyoming qui font massacrer des nouveaux immigrés d’Europe Centrale. Les studios croyant tenir là leur nouveau génie à succès ne refuse rien au golden boy: une ville de l’Ouest entièrement reconstruite, une locomotive sortie d’un musée, un casting de rêve (Christopher Walken, Isabelle Huppert, Mickey Rourke, Jeff Bridges), pour la même scène 100 figurants puis 200 puis 500 etc, des jours de retard (5 au bout de seulement 6 jours de tournage) et des producteurs de plus en plus inquiets qui tentent de remplacer en douce le réal qui perd les pédales pendant le tournage.
Mais au bout du compte, le film nait et quel film!! Parler de chef-d’oeuvre c’est un peu excessif (le film aurait-il la même saveur sans l’histoire du tournage en tête?), il s’agirait plutôt d’un sublime détournement de fonds où l’ambition démesurée d’un créateur prend les moyens du tout puissant Hollywood pour réaliser un opéra intimiste, la naissance d’une nation complexe et ambiguë à travers 3 personnages: un aristo devenu shérif pour protéger les pauvres, une prostituée et un immigré payer pour botter le cul d’autres immigrés. Un western marxiste devant et derrière la caméra.
Bien sûr, le film est un échec commercial et critique mais surtout marque la fin du Nouvel Hollywood, ce cinéma d’auteur à grand spectacle porté par des Coppola, Spielberg, Scorsese, De Palma qui ont tous mal vécu (à part Steven) le virage capitaliste des années 80 et l’arrivée des bons gros blockbusters bien rentables. Moins chanceux que ses petits copains qui ont tous connu de violents échecs au cours des eighties, Cimino ne parviendra jamais vraiment à revenir dans le rang et va enchainer bide sur bide (même avec de superbes films comme L’Année du Dragon avec Mickey Rourke) jusqu’à son dernier film Sunchaser en 1996.
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