Magazine France

un Mouvement 5 étoiles, vraiment ? J’ai des doutes… #BeppeGrillo

Publié le 26 février 2013 par Mister Gdec

Capture

On présente un peu hâtivement dans un certain journalisme facile, bien peu avide d’informations plus circonstanciées (l’investigation et la réflexion coûtant probablement trop cher…), celui que les médias présentent  comme le véritable et seul vainqueur de ces élections italiennes de ces deux derniers jours, j’ai nommé le grand, l’unique, l’inimitable  Beppe Grillo,  comme une sorte de Coluche italien… Quand ce n’est pas – pourquoi pas, tiens,  tant qu’on y est ! –  de Che Guevarra pour les plus paresseux.

J’ai voulu en avoir le cœur net, en me documentant plus avant sur ce curieux personnage que tant de gens encensent aujourd’hui, au point comme Jacques Sapir hier soir sur twitter d’en faire le porte-drapeaux emblématique des opposants efficaces  au Nouvel Ordre Libéral Européen qu’il s’agit d’éradiquer… Et qui se trouverait enfin sérieusement ébranlé par les résultats de ces élections italiennes.

 

Capture

 Bien que je partagerais volontiers,  moi aussi, l’enthousiasme de Monsieur Sapir  si son analyse était juste, je ne suis pas de ceux qui pensent que la fin justifie tous les moyens, comme il le suggérait hier. C’est en outre aller un peu vite en besogne, et je vais tenter d’expliquer pourquoi en quelques arguments.

Tentons pour les extraire de faire un parallèle qui me semble éclairant entre un mouvement véritablement citoyen, avec un programme détaillé, provenant de sa base militante, comme celui du Front de Gauche, qui pourrait éventuellement partager avec le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo certains éléments de discours.

 « Décrié comme «populiste» par ses adversaires, il a su séduire en surfant sur le rejet de la classe politique et la rage contre l’austérité ».

Voilà une constatation qui ne mange pas de pain… On a souvent qualifié ainsi Mélenchon,  de populiste, étiquette qui ne lui semble pas infâmante quand on a pour volonté effective de vouloir représenter le peuple.  Mais tout de même pas à n’importe quel prix. Avec sérieux, méthode et rigueur. Pour le grandir, en développant la hauteur de ses aspirations. Parce qu’on le lui doit bien.  Or, force est de constater en épluchant le programme de Beppe Grillo qu’il s’agit davantage d’une liste de bonnes intentions, pour ne pas dire de commissions, pour filer la métaphore sur le registre consumériste appliqué à la politique, comme le mouvement de Beppe Grillo semble en être  la représentation.

Revenu minimum, coupes dans les dépenses militaires, referendum sur la sortie de la zone euro, réduction des salaires des politiques, protectionnisme… son programme laisse en effet perplexe. Mais dans une Italie désenchantée par les partis traditionnels, il vient de décrocher son plus grand rôle. (1)

Il ne suffit pas en effet selon moi de faire converger toutes les rancœurs et les rejets pour faire un véritable parti ou mouvement politique, avec un programme cohérent. Or, c’est à cela que ressemble fortement le mouvement 5 étoiles : une coquille vide, pur produit marketing vendu grâce au talent de son concepteur et promoteur à des gens sans grande culture ni formation politique, de droite ou de gauche… Quand ce n’est pas d’extrême droite, comme en atteste l’une des anecdotes de cet article.  Sans parler des méthodes expéditives et pour le moins antidémocratiques de certains de ses élus qui ne prêtent guère à rire, et que leur leader charismatique ne contrôle pas toujours…

Les jours qui viennent nous diront en outre si les spéculations des uns et des autres sont si crédibles que cela. Car en regardant les forces en présence, on peut effectivement très clairement s’interroger sur les alliances (ou pas) qui se feront jour prochainement, tant le cas du mouvement 5 étoiles est si peu fiable  en termes de cohérence politique :

Le voyage à Gênes va-t-il devenir à la mode ? On peut imaginer qu’ils sont nombreux à vouloir un message clair de la part de l’ancien comique. A commencer par Bersani et Berlusconi, les deux non-perdants (ou non-vainqueurs) du scrutin des 24 et 25 février. Vont-ils se rendre en délégation sur la côte ligure pour sonder un homme qu’ils prenaient pour le gourou d’une secte d’agités et dont ils devront courtiser les élus le temps que durera cette législature qui s’annonce chaotique et brève ?(2)

 De plus, comme le souligne à juste titre  ce billet  de Marie Morisset sur Médiapart, il me semble légitime et sain de s’interroger sur les contradictions de ce mouvement de protestation, sans forcément subir l’accusation de vouloir minorer ce qui apparaît effectivement clairement comme un rejet d’une certaine classe politique… D’où l’emploi du terme de poujadisme, que j’estime approprié, dans mon tweet à destination de Jacques Sapir. Et l’une de ces contradictions essentielles me préoccupe particulièrement. Elle est inscrite dans l’un des points du programme du mouvement de Beppe Grillo :

«Riduzione del debito pubblico con forti interventi sui costi dello Stato con il taglio degli sprechi e con l’introduzione di nuove tecnologie per consentire al cittadino l’accesso alle informazioni e ai servizi senza bisogno di intermediari».

Ce que Google translate traduit par :

«La réduction de la dette publique avec une forte réduction des coûts des mesures de l’état de la réduction du gaspillage et de l’introduction de nouvelles technologies afin de permettre l’accès des citoyens à l’information et aux services sans avoir besoin d’intermédiaires»

Sans parler du fait que voilà une orientation qui ne m’apparait pas comme franchement de gauche (c’est même tout le contraire !), je ne suis pas franchement certain que cela soit si incompatible que cela avec le dogme libéral des technocrates européens contre lesquels ce mouvement prétend lutter… Cela leur faciliterait même plutôt le travail !   En effet, le fait de réduire massivement les dépenses de l’Etat, en éliminant significativement le rôle et la place des entités étatiques,  perçues de surcroît comme des nuisances dans la communication avec les citoyens et des intermédiaires inutiles,  contribuerait effectivement fortement au respect des critères austéritaires. Mais cela n’est pas le pire. S’il n’y avait que cela… je pense surtout que le manque de structures de ce mouvement, l’absence d’instances démocratiquement constituées, le peu de respect des règles éthiques alors qu’ils prétendent dénoncer ce qu’ils ne voient que dans l’œil du voisin,  risquent bien de se retourner contre le peuple italien lui-même, privé de tout repère plus sérieux. Dommage… et inquiétant pour l’état de la démocratie italienne, apparaissant comme plus que vérolée de l’intérieur. Une démocratie malade de la peste, à la merci du premier comique troupier venu, fut-il habile communicateur ? L’avenir seul nous le dira.

Quelques liens pour aller plus loin :

1. Beppe Grillo, une farce à l’italienne

2. « Beppe Grillo dis moi ce qu’il faut faire »

3. Beppe Grillo est-il dangereux pour la démocratie?

4. Beppe Grillo : un clown inquiétant


GdeC


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Mister Gdec 134609 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte