Troisième film pour Yvan Attal. Troisième réflexion sur le couple. Après Ma femme est une actrice et Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants, il a choisi l’option film de commande, version remake de l'américain Humpday de Lynn Shelton, œuvre indé remarquée à Sundance et Deauville quatre ans plus tôt. Le pitch est osé : deux mecs, amis de longue date (incarnés ici par le réalisateur lui-même et le toujours impressionnant François Cluzet), se retrouvent des années plus tard. Ils se sont rencontrés aux Beaux-Arts, ont chacun pris des chemins différents. Le premier a une maison, une femme (Laetitia Casta, subtile), et s’apprête à faire un enfant. Le second multiplie voyages, conquêtes, expériences. Durant une soirée trop arrosée, ils font un pari un peu fou : participer au festival d’art expérimental pornographique Hump, en tournant eux-mêmes un film amateur traversée par une idée qu’ils pensent révolutionnaire : deux mecs hétéros qui couchent ensemble repousseraient toutes les limites de l’art en allant exactement là où ils ont peur d’aller. Attal affiche alors d’emblée, via la démarche de son duo masculin, ses propres ambitions à lui : gratter là où ça fait mal. Soit : un conformisme socio-sexuel normé (que ce soit dans des relations homos, hétéros, à deux ou à plusieurs), une virilité mise à mal (jusqu’où le mâle peut-il supporter de remettre en cause son statut de dominant ?), et des questions qui fâchent (jusqu’où sexualité et identité sont-elles liées ? Remettre en question sa sexualité, est-ce remettre en question son identité ? Et d’ailleurs, qu’est-ce que l’identité sinon le regard d’autrui posé sur nous ?). Bref, Attal joue la carte du brainstorming intello, un peu bobo, vaguement provoc’ (Charlotte Gainsbourg et son gode ceinture rose), et, in fine, pas mal efficace.
Si l’on passe les quelques séquences un peu creuses (le Paroles, Paroles de Dalida chanté par un JoeyStarr derrière les barreaux) et celles qui semblent meubler le vide (l’aparté musical sur fond de Joan Jett), le réalisateur français distille tout de même de cruelles et intelligentes vérités sur le couple et la vie. Car, impossible de tout savoir de l’autre, dit le film. De ses fantasmes, de ses non dits enfouis, de ses véritables désirs. Surtout à l’heure où la société dicte ses principes moraux (hétérosexualité, mariage, bébé). Aussi, impossible de tout savoir sur soi-même. De ses aspirations, de ses regrets, de ses possibles défaillances et tentations. Attal ne cherche pas forcément les réponses, mais il pose des questions ; ce qui n’est pas si mal chez un cinéma français qui ne prend pas souvent de risques. Quelle place, et quelle importance, accorder à la fidélité au sein d’un couple ? Comment être à la fois la mère et l’amante, le père et le fantasme ? Jusqu’au final de vingt minutes dans le huis clos d’une chambre d’hôtel qui pose frustrations, réalités et égos de mecs sur la table, Do not disturb titille les consciences et les idées préconçues. En cela, et même si le ton n’est pas aussi subversif et cynique que chez Dujardin & Lellouche, il est à rapprocher des Infidèles, sorti également en 2012. Même bulle comico-noire. Même fond de désespoir moderne.