Alitalia ŕ nouveau au bord du gouffre.
Le moment est trčs mal choisi : c’est au moment oů l’Italie s’enfonce dans une crise post-électorale d’une complexité sans précédent qu’Alitalia est confrontée ŕ une crise financičre d’une extręme gravité. Elle a perdu l’année derničre 280 millions d’euros, une immense désillusion (Ťdelusioneť), un résultat toutes proportions gardées catastrophiques qui a conduit son administrateur-délégué, Andrea Ragnetti, ŕ la démission pure et simple. Une démission acceptée sans autre forme de procčs mais qui ne va évidemment rien résoudre.
Roberto Calaninno, président du conseil d’administration, s’est dit pręt ŕ assurer la direction ad interim, tandis que va débuter la recherche de l’oiseau rare, un manager de haut vol capable de comprendre les spécificités de la compagnie italienne et de tenter de mettre au point un plan de redressement applicable dans les délais les plus brefs. Autrement dit une mission quasiment impossible.
Les caisses d’Alitalia sont vides. A partir du moment oů l’idée d’une trčs éventuelle aide étatique est bannie (la Commission européenne veille), la seule planche de salut qui pouvait ętre envisagée dans l’immédiat était un appel ŕ l’aide adressé aux actionnaires. Lesquels, qui n’avaient pas vraiment le choix d’agir autrement, ont donc mis la main ŕ la poche et pręté 150 millions d’euros ŕ l’entreprise défaillante. Dont 25% fournis par Air France-KLM, elle-męme en difficulté, et qui a réaffirmé ŕ cette occasion ne pas conduire de nouvelles négociations en vue de la reprise de la totalité du capital de la compagnie. Mais ce n’est peut-ętre que partie remise.
On comprend, en effet, qu’un tripode Amsterdam-Paris-Rome aurait tout son sens, qu’un tel axe nord-sud constituerait un ensemble cohérent, capable de dégager de solides synergies commerciales. Silvio Berlusconi était fermement opposés ŕ cette hypothčse, au moment oů il était encore aux affaires, le patriotisme économique ŕ bon marché de l’ancien président du conseil comptant de nombreux adeptes. Aujourd’hui, il en va autrement mais, cette semaine, Alitalia n’intervient gučre au nombre des priorités de futurs ministrables italiens en quęte d’un nouvel avenir.
A vrai dire, on comprend difficilement la rechute financičre soudaine d’Alitalia. Dans sa nouvelle configuration, elle est débarrassée des excčs et des faiblesses de l’ancienne gestion, sa structure a été modernisée, son organigramme est réaliste. Il serait trop facile d’affirmer ex cathedra que ses coűts restent trop élevés et ce sont sans doute ses recettes qui sont insuffisantes. Les circonstances atténuantes ne sont gučre recevables, notamment le prix élevé du pétrole. En revanche, comme Air France, Alitalia souffre de difficultés quasiment insurmontables sur son marché intérieur : le rail est en train de prendre une revanche cinglante tandis qu’EasyJet a brisé le monopole aérien, permettant de constater au passage que la filiale low cost Air One de l’ex-compagnie nationale ne peut suffire ŕ endiguer les grandes ambitions de la compagnie orange.
Les grandes difficultés d’Alitalia, toutes considérations politiques mises ŕ part, mettent aussi en exergue les faiblesses persistantes du transport aérien européen. Les compagnies généralistes de taille moyenne sont trop nombreuses et soumises ŕ une concurrence effrénée des Ťvedettesť que sont Ryanair, EasyJet, Vueling, bientôt Volotea, et leurs disciples. L’Italie paie un bien lourd tribut qui est aussi le prix de ses erreurs passées.
Pierre Sparaco - AeroMorning