Ce n’est pas faute de l’avoir prédit, dit et répété à maintes reprises, mais il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Les incantations de la troïka et de leurs courtisans n’y changeront rien. L’Union européenne telle qu’elle a été conçue, organisée et dirigée mène ses membres à leur perte.
La Grèce ne se relèvera pas n’en déplaise aux économistes officiels, qui le moment venu, retourneront leur veste en incriminant les politiques et en se muant en résistants de la dernière heure . Mais bien pire, d’autre pays devraient suivre la même voie. C’est ce qu’affirment deux économistes américains dans un récent rapport et pour qui la seule solution est de restructurer la dette des Etats.
A bon entendeur…
Ce sont deux juristes américains qui ont été les architectes de la restructuration de la dette de la Grèce.Contrairement à ce que les dirigeants européens ont promis, Mitu Gulati et Lee Buchheit -qui a conseillé quasiment tous les Etats en faillite au cours des trente dernières années-, sont persuadés que la Grèce ne restera pas un « cas unique et exceptionnel ». Selon eux, il faut restructurer les dettes d’autres Etats, c’est à dire imposer des pertes aux créanciers, plutôt que de laisser les contribuables de la zone euro payer la facture.
« La principale raison qui a poussé les Européens à utiliser l’argent public pour rembourser intégralement les investisseurs privés qui détenaient la dette des Etats en difficulté est qu’ils redoutaient de faire face à une situation du type de celle de l’Argentine, qui s’est retrouvée piégée par des créanciers récalcitrants (« hold-outs ») », concluent-ils dans l’article qu’ils ont présenté lors d’une conférence à Chypre.
C’est donc ce problème des « hold-outs » qui doit être traité.
Les spécialistes préconisent d’amender le Traité qui instaure le Mécanisme de Stabilité européen (MES) afin d’empêcher qu’un créancier floué ne puisse saisir les actifs d’un Etat membre qui bénéficie d’un programme d’assistance financière européen (et qui restructure sa dette). Il s’agit en somme d’immuniser temporairement les biens et les revenus des pays aidés. « En mettant des bâtons dans les roues des investisseurs prêts à traîner les Etats devant les tribunaux, cet amendement réduira l’espoir qu’ils ont de gagner de l’argent en ne participant pas à la restructuration ».
Une proposition qui intervient, ce n’est pas un hasard, après la saisie rocambolesque d’un navire argentin par le fonds Elliott, qui a toujours refusé de participer au plan de réduction de la dette de l’Argentine.
Au passage, les auteurs fustigent la manière dont les dirigeants ont géré la crise. Notamment Nicolas Sarkozy, qui avait affirmé que « les Européens payaient toujours leurs dettes ». « C’est bien mal connaître l’histoire de l’Europe », assènent-ils. Ils accusent surtout la Banque centrale européenne d’avoir plaidé pour qu’on n’inflige pas de pertes aux investisseurs. Leur proposition d’amendement a circulé dans les cercles officiels, mais le sujet est trop explosif pour être débattu publiquement. (* « The problem of holdout creditors in Eurozone sovereign debt restructurings », Lee Buchheit, Mitu Gulati, Ignacio Tirado, 22 janvier 2013)
Source: Observatoire de l’Europe - Les Echos