L'impression tout compte fait de ce formidable vacillement, de cette formidable erreur qui consista à publier mon dernier livre. Combien de temps pour remonter en selle ? Combien de temps pour retrouver le temps long de la méditation sobre, crayonnante et liseuse ? Le monde de l'édition répète qu'il n'y a pas de chef-d'oeuvre caché au fond d'obscur placard. Je ne le crois plus. Il me semble au contraire qu'à partir d'un certain niveau de conscience, le travail ne passe plus par l'édition.
Je suis comme le drogué au terme du sevrage. Je goûte le matin comme s'il était le premier. L'odeur crue de ce vent plein de neige.
J'offre un texte à Lu Pélieu (la femme de Claude, quoi, je n'en reviens pas de la connaître!) dans un bar de la rue Mouff'. Un quotidien d'Alger cite mon travail (un conte sur la liberté radicale courageusement publié par une splendide revue algérienne). Des extraits de mes "Prophéties barbares" sont sortis en cd, accompagnant les guitares sombres et saturées de Christophe Samarsky. J'y suis présenté comme une sorte de misanthrope qui ne me ressemble guère ; mais qu'importe. Mon ami Yaset me fait toujours l'honneur de son fanzine underground Quetton - rare, précieuse fidélité. Nathalie Riera, dans la première édition papier de sa somptueuse revue Les Cahiers d'Eucharis, m'accueille avec bienveillance. On me dit que quelques poèmes de ma série Beat pourraient bien finir par être publiés. L'an passé quelques vers dans la revue Haïtienne "Point Barre". Jours tranquilles.
Rien de grandiose. De l'amitié. Des rencontres. Du partage.
Plus le stress de prendre la parole pour faire l'intéressant.
Sur la scène rire. En coulisse aimer, travailler, étudier, méditer.
Savoir ne pas en demander davantage.
N'attendre rien pour atteindre le tout.