Les initiatives se succèdent et se ressemblent.
Cette fois-ci, c'est au tour de nos voisins belges de voter le 24 janvier 2013 une résolution mémorielle visant à reconnaître la responsabilité de l'Etat dans la persécution des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale .
Le texte adopté à l'unanimité par le Sénat s'appuie en introduction sur un rapport du Centre d'Études et de Documentation Guerre et Sociétés contemporaines (CEGES), intitulé « La Belgique docile. Les autorités belges et la persécution des Juifs en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale ».
Ce document publié en février 2007 à la demande du Sénat témoigne d'une forte volonté politique initiale qui utilise l'histoire comme un gage mais ne semble pas s'en contenter puisqu'il est rappelé en introduction de la résolution que "malgré les ouvrages d'historiens qui ont ouvert la voie à une appréciation plus critique de cette période, cette page sombre de l'histoire de la Belgique reste méconnue et n'a pas fait l'objet d'une reconnaissance officielle, contrairement à ce qui s'est produit en France".
La résolution belge a cette particularité d'être particulièrement claire et honnête sur ses objectifs mémoriels.
Les auteurs parlent ainsi de "leçon" à tirer de l'histoire, "une leçon qui nous semble toujours pertinente si on l'applique à des situations plus récentes comme la purification ethnique en Bosnie ou le génocide des tutsis de 1994 qui a eu lieu au Rwanda".
A l'échelle nationale également, les sénateurs rappellent que "le devoir de mémoire est nécessaire. Certains faits récents nous rappellent à quel point l'enseignement de la Shoah, de ses causes et de ses conséquences est essentiel pour combattre le fanatisme et les idées d'extrême droite. Dernièrement, un sondage a mis en évidence que 43 % des Belges estiment que le nazisme « comportait des idées intéressantes ». Ce même sondage relève que plus de 50 % des moins de 25 ans ignorent que l'antisémitisme était un des fondements de l'idéologie nazie et que seuls 26 % savent que le principe d'une prétendue race aryenne supérieure la constituait. Enfin, l'ouverture récente d'une section du groupe néo-nazi « Blood and Honour » en Wallonie montre que l'idéologie nazie continue d'exister dans notre pays et que le combat contre les idées d'extrême droite n'est pas terminé".
Le message est donc limpide : face à la résurgence de l'antisémitisme en Europe, il faut réveiller la mémoire du génocide des Juifs d'Europe !
Ce que le texte ne dit pas cependant, c'est comment une telle résolution mémorielle pourrait permettre de lutter contre l'antisémitisme. Des recommandations sont certes formulées sur l'enseignement de la Shoah, sur la reconnaissance du statut de déporté racial ainsi que celui d'orphelin de la Shoah, sur les éventuelles réparations et pensions, sur l'encouragement et la diffusion des recherches historiques et sur la préservation des archives dans ce domaine... mais où sont les études qui permettent de démontrer que de telles mesures seront efficaces pour répondre aux objectifs auxquels elles sont censées répondre ?
Que le pouvoir politique s'empare régulièrement de l'histoire n'est pas une idée neuve. Au contraire, les dizaines d'articles de ce blog témoignent des multiples facettes d'une relation presque
fusionnelle entre le politique et l'histoire.
En revanche, l'idée récurrente selon laquelle une loi ou une résolution mémorielle pourrait régler un problème publique demeure une aberration. En France, la loi Gayssot n'a guère empêché les thèses négationnistes de se propager et a encore moins stoppé l'ascension vertigineuse de l'extrême-droite aux élections. Si les Sénateurs belges s'inquiètent de l'apparition de groupes néo-nazi en Wallonie, pourquoi ne réfléchissent-ils pas à une loi permettant de les interdire ou à des mesures économiques et sociales visant contrer leur terreau idéologique plutôt qu'une résolution sur la reconnaissance de la persécution des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale qui a objectivement peu de chance d'ébranler leurs certitudes ?
A moins qu'il ne s'agisse tout simplement de répondre à une revendication mémorielle... ce qui est bien plus probable mais moins avouable.