C’était le soir, la nuit s’apprêtait la tomber. Un soir de fatigue, une sensation d’avoir subit une vidange et un essorage intempestif, où il me fallait un cadeau, une douceur, un gâteau qui me fasse voyager. J’ai poussé la porte d’une pâtisserie fleurant bon le miel et la
fleur d’oranger. J’ai pris mon temps, voyagé de douceurs en gâteaux, nonchalamment, sans tout autant trouver la force de sourire, suivie de près par la vendeuse, une congénère d’épuisement. Une belle aux rondeurs qui hésitaient à de l’enfance, une méditerranéenne sombre et pâle toute en luxuriance.
J’ai opté pour du sobre, des cornes de gazelles, au sucre glace régressif qui nous fait nous lâcher les lèvres. Elles les a emballées dans un joli paquet que je ne quittais pas des yeux. Je l’ai suivie jusqu’à la caisse, lui ai tendu un billet dont elle s’est saisi, nos yeux se sont croisé, son visage s’est illuminé. « Vous sentez bon, me dit-elle, qu’est-ce que c’est ? ». Et soudain il ne fut plus question de commerce, nous n’avions plus d’âge, il n’y avait plus de frontières,nous ne ressentions plus le poids de notre lugubre journée. Je lui expliquais ma passion pour le musc, parfum rarement respecté, que j’avais enfin déniché dans celui de chez Kiel’s. Ces yeux brillaient, j’y lisais sa curiosité fiévreuse, je lui ai dit où le trouver, dans cette boutique à l’élégance qui en impose, je lui ai conseillé de ne pas se laisser duper, que dans la vie il faut oser.
Maintenant je me plais à croire qu’elle c’est offert ce parfum. J’imagine un amoureux plonger son visage dans son cou, à la recherche d’une senteur qui, je sais, lui ressemble.
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