La Réserve de Liquidité correspond à l’ensemble des actifs liquides sanctuarisés détenus par un établissement et pouvant être monétisés dans les 30 jours. Elle correspond au numérateur du LCR.
Figure 1 : composants du ratio LCR
Le texte de Bâle III impose aux établissements que les flux d’encaissement (dénominateur) ne soient pas supérieurs à 75% des flux de décaissements. Cela signifie que dans l’éventualité où cette limite de 75% de flux d’encaissements est atteinte, le dénominateur vaut 25% des flux de décaissements. Afin que le ratio soit supérieur à 100%, il faut alors que le montant du numérateur (Réserve de Liquidité) soit supérieur au dénominateur. Pour cela, il faut donc que la Réserve de Liquidité soit supérieure à 25% des flux de décaissements de l’établissement.
La Réserve de Liquidité doit être composée seulement d’actifs liquides de haute qualité. Les actifs sont considérés comme actifs liquides de haute qualité quand ils peuvent être rapidement et facilement convertis en monnaie à leur valeur de marché. Le comité de Bâle a défini deux types de critères pour déterminer si un actif pouvait être considéré de haute qualité : des critères inhérents à l’actif lui-même et des critères opérationnels.
Composition de la réserve de liquidité
Les critères inhérents aux actifs
Les critères inhérents aux actifs permettent de s’assurer de la liquidité du titre en période de stress. Deux types de caractéristiques ont été référencés par le comité de Bâle pour définir les critères inhérents aux actifs :
- Les caractéristiques fondamentales des titres
- Faibles risque de marché et risque de crédit (déterminés par des notations d’émetteur de bonne qualité, une faible volatilité, un faible risque d’inflation, une faible sensibilité du prix aux taux d’intérêt et une cotation dans une devise de référence)
- Transparence des prix et de l’information
- Faible corrélation avec des actifs risqués (les actifs d’institutions financières ont plus tendance à être illiquides en période de stress de liquidité du secteur bancaire)
- Actifs côtés sur un marché d’échange reconnu
- Les critères de marché
- Profondeur de marché (grand nombre de participants avec un haut volume d’échange de titres)
- Faible concentration de marché (grand nombre d’intervenants sur le marché)
- Disponibilité du prix de cotation pour les investisseurs
- Valeurs refuges (sur une base historique)
Les critères opérationnels
Les critères opérationnels permettent de s’assurer de la disponibilité de l’actif en période de stress de liquidité. Ainsi les titres doivent être :
- Non mis en gage (non utilisés pour sécuriser ou collatéraliser une transaction) afin de s’assurer de la possibilité de le liquider rapidement en période de stress
- Non utilisés pour couvrir une position de trading
- Sanctuarisés et managés par les fonctions de gestion de trésorerie des établissements
- Transférables à la maison mère de l’établissement dans le cas où le titre est détenu par une filiale (seule la partie transférable est alors considérée comme éligible à la RL)
Idéalement, l’ensemble des actifs inclus dans la RL doivent être éligibles Banque Centrale (même si le seul respect de ce critère n’est pas suffisant pour faire partie de la RL).
Au sein de la RL, les actifs sont divisés entre actifs de niveau 1 et actifs de niveau 2. Cette distinction s’opère sur la base de notations de crédits et de critères quantitatifs et qualitatifs. Les actifs de niveau 2 sont ainsi considérés un peu plus risqués que ceux du niveau 1 et sont pondérés à 85% contre 100% (pour le niveau 1) au niveau du numérateur du ratio LCR.
Les actifs suivants sont éligibles au niveau 1 de la RL :
- Le cash
- Les réserves Banque Centrale disponibles en période de stress
- Les actifs émis ou garantis par des gouvernements, des Banques Centrales, des administrations centrales, des banques multilatérales de développement ou des entités publiques avec une pondération Bâle II standard de 0%
- Les émissions effectuées ou garanties par des gouvernements ou des Banques Centrales dans la monnaie locale de l’établissement (pas de restriction de notation Bâle II standard)
Les actifs suivants sont éligibles au niveau 2 de la RL :
- Les actifs émis ou garantis par des gouvernements, des Banques Centrales, des administrations centrales, des banques multilatérales de développement ou des entités publiques avec une pondération Bâle II standard de 20%
- Des corporate bonds et des covered-bonds notés au minimum AA-
Cette liste très restrictive d’actifs éligibles est très contraignante pour les établissements puisque de nombreux actifs sont exclus de la Réserve de Liquidité. Face à ces fortes restrictions, les établissements sont poussés à se porter massivement vers les titres souverains ou équivalents. Alors même que nous traversons une profonde crise de la dette souveraine, on peut s’étonner de l’orientation demandée par le comité de Bâle. Les nombreuses récentes actions de downgrading des économies européennes rendent compte de la fragilité des titres d’Etats. Pousser les institutions financières à investir fortement dans cette catégorie d’actifs peut s’avérer dangereux à plusieurs niveaux :
- Comme on l’a observé lors de la crise de liquidité survenue en 2007/08, l’intégration des économies développées entre elles décuple les effets de globalisation de la crise. Bâle III risque de favoriser l’échange de dettes souveraines à travers le monde et la survenance d’un défaut de la part d’un Etat pourrait avoir des répercussions immédiates sur l’ensemble des économies. L’exemple grec pourrait être le premier cas pratique de défaut qui mettrait à rude épreuve l’ensemble des banques mondiales. La propagation de la crise serait alors instantanée. Ce risque global doit être pris en compte par le comité de Bâle.
- Selon les premières observations et compte tenu des restrictions de classe d’actifs imposées par Bâle III, les actifs éligibles à la Réserve de Liquidité vont contraindre les institutions financières à réaliser de la non-diversification. Exposer les banques de trop près au seul risque pays pour la constitution de la Réserve de Liquidité va encore plus lier le sort de ces dernières au sort des Etats. Pourtant, l’étude empirique des situations de trop grande proximité entre Etats et Banques doit nous permettre d’éviter de lier le sort de ces deux acteurs, au risque de garantir une propagation des crises de dettes souveraines à l’ensemble de l’économie réelle.
- Enfin, cela risque de contribuer à alimenter artificiellement la demande en titres souverains avec toute la problématique que cela peut comporter. Maintenir une forte demande de manière artificielle est une transgression des règles de marché qui peut affecter le ressenti des investisseurs en sous-évaluant le véritable risque supporté par ces derniers.